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hasard. À la fin de 1813, un négociant de Nantes, qui connaissait les mines de la Loire-Inférieure, ayant fait creuser un puits domestique dans une ferme dont il était propriétaire dans la Sarthe, y remarqua des traces d’une substance noirâtre qu’il prit pour de la houille, et en envoya un échantillon à la Société des Arts du Mans. L’inventeur se livra à quelques recherches, mais avec des ouvriers si inexpérimentés, qu’ils dépassèrent la couche d’anthracite sans s’en apercevoir. En 1816 seulement, lorsque des tracés de routes, des creusemens de fossés eurent fortuitement fait reconnaître les affleuremens de quelques gîtes, l’attention des propriétaires du sol fut éveillée, et ils commencèrent de petites exploitations, allant aussi profondément qu’ils le pouvaient, poussant de courtes galeries jusqu’à ce qu’ils fussent chassés par les eaux, puis se reportant ailleurs. Quelques-uns, se réunissant, demandèrent dès cette époque des concessions au gouvernement ; mais on ne les institua qu’en 1822, date réelle de l’origine des exploitations régulières. Les premiers concessionnaires eurent du reste à lutter contre les extracteurs illicites, qui, n’ayant pas des idées bien nettes sur le droit de propriété souterraine, et voyant dans le tracé du périmètre concédé une garantie de succès, venaient s’y installer et préparer ainsi de fâcheuses entraves aux exploitations régulières. Les transactions mêmes qui intervinrent entre les concessionnaires et les extracteurs, trop facilement tolérés, perpétuèrent ce fâcheux état de choses, qui du moins développa activement l’industrie minérale du pays. L’heureuse influence de cette conquête se manifesta immédiatement par une baisse de moitié dans le prix de la chaux et par le brillant essor de l’agriculture locale.

L’histoire du bassin anthracifère du Maine présente à peu près les mêmes phases que celle du bassin houiller de la Loire, et il y a là quelques faits d’économie locale et industrielle qui, bien que relatifs à une fraction minime de notre propriété souterraine, ne sont cependant pas dénués de tout intérêt. Le développement de l’industrie minérale ne s’est fait dans la Sarthe et la Mayenne qu’au prix de grands sacrifices, notamment par la construction de chemins nombreux, sans lesquels elle ne pouvait même prendre naissance. Maintenant encore les concessionnaires subissent, pour les charbons qu’ils livrent aux chaufourniers, un mode de paiement qui les condamne à un crédit à long terme vraiment exorbitant, résultat presque obligatoire de la concurrence acharnée que ces chaufourniers se font entre eux. Afin d’attirer le consommateur de chaux, ils lui donnent des délais de plusieurs années pour le paiement des livraisons ; et les propriétaires de mines ont naturellement été conduits à entrer dans la même voie que leur clientèle. Telle est la force des habitudes industrielles et commerciales d’un pays, alors même qu’elles