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sont radicalement vicieuses, qu’une tentative de modification a complètement échoué, bien qu’elle eût été faite par des concessionnaires à la fois riches et puissans. En vain, pour obtenir que la vente de la chaux se fit au comptant, ont-ils représenté aux chaufourniers que ceux qui l’achètent sont des fermiers habitués à opérer de cette manière, et qui, dans une région où le système progressif de la culture à moitié est en vigueur sur une grande échelle, partagent avec les propriétaires les dépenses d’engrais : ces représentations, appuyées par un manifeste habile et ferme, lancé au moment de la crise financière qui a suivi la révolution de 1848, produisirent un effet médiocre et vinrent échouer devant la résistance inerte des chaufourniers. Les audacieux novateurs se virent bientôt contraints de remettre en vigueur le système classique, sous peine de voir leur clientèle se porter vers les mines des autres concessionnaires, qui, ne changeant rien à la routine locale, auraient ainsi bénéficié du mécontentement provoqué par la tentative inopportune de leurs rivaux. Dans un défaut d’entente et surtout d’inopportunité est évidemment la cause de l’insuccès d’une tentative qui n’a du reste plus été reproduite. Donc vers le 1er novembre de chaque année, époque du commencement de la campagne, les chaufourniers remettent aux concessionnaires un état de leurs besoins présumés d’anthracite, et souscrivent des billets à ordre en quatre échéances, trimestriellement échelonnées au bout de onze mois révolus, et parfois prorogées bénévolement de trois autres mois par les concessionnaires, qui supportent ainsi la perte de plus d’une année d’intérêt.

Comme pendant de cette lutte terminée à l’avantage des chaufourniers du Maine, je dois mentionner la guerre que se sont longtemps faite les producteurs d’anthracite, guerre dont les effets ne tardèrent pas à devenir assez désastreux pour compromettre l’existence de quelques mines du bassin. Chacun des concessionnaires cherchait à étendre le rayon naturel de ses débouchés au détriment du voisin ; d’autres, se faisant en même temps chaufourniers et mineurs, entraient à ce double titre dans le conflit industriel dont la Sarthe et la Mayenne étaient le théâtre, et s’y épuisaient doublement. Cet antagonisme tient aux conditions naturelles des deux départemens, dont le premier ne présente que dans la partie occidentale le sol argilo-siliceux qui réclame l’amendement calcaire, et produit plus d’anthracite qu’il n’en consomme, tandis que le second, dont ce sol particulier recouvre presque entièrement la superficie, joue un rôle inverse. De cet état de choses invariable et de la situation topographique des mines d’anthracite est résultée la formation de deux groupes rivaux de mines dont Sablé et Laval sont les centres, et l’infériorité du groupe de Sablé, sous le rapport du placement des charbons, a excité les concessionnaires de cette région à poursuivre