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Il n’existe à l’égard des enfans qu’une mesure réglementaire, inscrite dans le décret impérial du 3 janvier 1813, aux termes duquel ils ne peuvent être employés dans les mines avant d’avoir atteint l’âge de dix ans : on sait que dans les usines et manufactures les enfans peuvent être reçus dès l’âge de huit ans. La même limite est naturellement adoptée en Belgique, où notre décret de police minérale est resté en vigueur ; elle a même été empruntée par l’Angleterre, qui, avec l’acte fondamental de 1842, a fait un premier pas dans la voie d’une surveillance administrative des houillères. Il est à remarquer à ce propos que le gouvernement anglais avait été littéralement contraint par l’opinion publique à se départir de l’extrême réserve qu’il apporte habituellement dans ses relations avec l’industrie. Les détails les plus affligeans pour l’humanité avaient été révélés par les enquêtes faites dans les mines de houille. La tâche habituellement confiée aux plus jeunes enfans est la manœuvre de ces portes d’aérage qui dirigent le courant d’air à l’aide duquel est créée l’atmosphère artificielle de la mine, portes qu’il convient de n’ouvrir que pour donner passage aux wagons et de refermer aussitôt après. Ce n’est pas sans une émotion pénible qu’on pense à ces pauvres petits serfs de l’industrie minérale, qui, au lieu de jouir de l’air et de la lumière si nécessaires à leur développement physique et moral, passaient leurs jeunes années accroupis dans l’obscurité et occupés à un travail d’une si abrutissante monotonie qu’il les conduisait fréquemment à l’idiotisme. Le bill de 1842 a d’ailleurs apporté une grande modification dans les habitudes des industriels houillers, en prohibant complètement l’emploi des femmes dans les mines de charbon. La France n’a jamais connu, il faut le dire, cet usage barbare ; mais, dans certaines mines de la Belgique, les jeunes filles sont encore occupées concurremment avec les jeunes garçons au transport intérieur de la houille, sans qu’aucune différence dans le costume vienne désigner la différence des sexes à l’œil du voyageur souterrain. Je n’ai pas besoin d’insister sur la dépravation qui est la conséquence naturelle de la promiscuité des sexes dans de semblables conditions. Il est pénible d’ajouter qu’avant le bill de 1842, il existait en Angleterre quelques mines où les hommes et les femmes travaillaient ensemble dans un état complet de nudité.

Attendre l’âge de dix ans pour commencer la pénible carrière du mineur, c’est encore devancer la limite fixée par la nature, et ceux qui se livrent trop jeunes au travail souterrain restent souvent contrefaits. Le mineur est en général reconnaissable par sa maigreur et sa pâleur habituelles, par le développement excessif des muscles du tronc, par un corps voûté, par une démarche boiteuse. Les difficultés de l’aérage des mines n’expliquent que trop bien l’apparence