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comment expliquer la dissolution d’un congrès qui appartenait tout entier à cette opinion ? Se tournera-t-il vers les conservateurs et le clergé, ainsi qu’il paraît en avoir eu l’intention en quelques circonstances ? Il risque de ne trouver de ce côté qu’une défiance extrême, si ce n’est une hostilité ouverte, née de toutes les mesures adoptées contre l’église. Il ne parviendra pas à désarmer toutes les insurrections qui agitent le pays, et qui, une fois de plus, se tourneront de préférence vers Santa-Anna. Dénué d’argent et de ressources de toute espèce pour faire face aux difficultés qui l’entourent, M. Comonfort aura-t-il recours aux États-Unis, en leur offrant la cession de l’isthme de Tehuantepec, de la Basse-Californie ou de l’état de Sonora ? Rien n’est impossible ; toutes les révolutions mexicaines servent les desseins des Américains du Nord. On comprend du reste en quelles extrémités est tombé un pays où de telles questions s’élèvent et sont publiquement débattues, au point que le dernier congrès ait cru devoir faire une réserve formelle en faveur de l’intégrité du territoire dans les pouvoirs extraordinaires qu’il avait donnés à M. Comonfort. La vérité est que M. Comonfort, pour être dictateur aujourd’hui, n’en est pas plus solide, et qu’il peut compter moins que jamais sur la durée d’un pouvoir qui rencontrera inévitablement des résistances de toute nature. C’est une de ces crises qui se succèdent périodiquement au Mexique, et qui vont seulement en s’aggravant tous les jours sous les coups répétés de cette terrible logique de la destruction.

Une constitution supprimée, une assemblée de moins, un dictateur de plus, des insurrections battues et qui recommencent jusqu’à ce qu’elles triomphent, ce sont là des faits qui se reproduisent fréquemment dans toute l’étendue des républiques hispano-américaines. Le Pérou, depuis plus d’une année, vit dans une confusion où se rencontrent presque tous ces phénomènes étranges. Il y avait à Lima si l’on s’en souvient, une convention nationale qui s’était réunie à la suite de la dernière révolution pour faire une constitution nouvelle. À côté était un chef du pouvoir exécutif, le général Castilla qui supportait impatiemment le contrôle d’une assemblée, et qui, poussé par le sentiment de son importance personnelle, tendait volontiers à la dictature. Entre le général Castilla et la convention péruvienne, il y avait une incompatibilité évidente, lorsque tout à coup une insurrection éclatait dans le sud à Arequipa, sous la direction du général Vivanco. Cette insurrection n’a nullement été victorieuse. Quand elle a voulu prendre l’offensive, elle n’a éprouvé que des revers, et l’an dernier le général Vivanco, après avoir tenté une expédition au nord du pays, était obligé de se replier précipitamment vers Arequipa ; mais là l’insurrection s’est maintenue. Plusieurs généraux ont été envoyés pour étouffer ce mouvement, ils n’ont pas réussi. Le général Castilla a fini par aller se mettre lui-même à la tête de l’armée pour combattre les insurgés ; il n’a pas été plus heureux jusqu’ici ; il était récemment encore à peu de distance d’Arequipa, ayant laissé derrière lui à Lima le conseil des ministres pour le représenter, et la convention nationale, qui existait toujours, bien qu’elle eût depuis longtemps achevé la constitution. Or c’est dans cette situation que se passait à Lima une scène des plus étranges.

Un jour, la convention nationale étant réunie, un simple officier comman-