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organisée par les soins de l’amiral Bruat pouvait seule défendre nos nouvelles positions.

Les troupes de terre et de mer partirent donc après avoir fait plusieurs reconnaissances : la troupe de terre avec la cavalerie à quelques ligues de la forteresse, la division de mer avec les canonnières dans le Bug et le Dniéper, sous la conduite du contre-amiral Pellion. L’une revint chargée de légumes, de bois, de fourrage et de harengs salés, pris dans les deux villages de Paksofka et de Skadofka ; l’autre, remorquant un radeau de bois de construction d’une grande valeur, mais non sans avoir échangé quelques coups de canon avec les batteries en terre dont les rives du fleuve sont bordées, tandis que nos cavaliers n’avaient rencontré dans leurs excursions que des masures abandonnées et environ deux cent cinquante Cosaques, qui s’étaient bornés à les regarder de loin.

Le commandement maritime de la division de Kinburn[1] fut confié à M. le capitaine de vaisseau Paris, qui abandonna le Fleurus pour porter son guidon sur l’aviso à vapeur le Vautour. Le colonel Muller, du 95e de ligne, eut de son côté le commandement supérieur des troupes de terre, composées du régiment à la tête duquel il avait perdu deux chevaux au pont de Traktir, et de trois détachemens d’infanterie de marine, qui, débarqués des batteries flottantes, furent chargés de garder les forts avancés de la presqu’île.

Pour arriver à se mettre sur un pied de défense respectable, les vainqueurs de Kinburn avaient fort à faire, il faut bien le dire. Avec un peu d’efforts, ils réussirent cependant à se débrouiller (qu’on nous permette ce terme si usité dans la langue du marin). La division du commandant Paris avait prêté le concours de ses équipages à l’armée de terre, et l’on s’était mis à l’œuvre avec courage. Une attaque sérieuse pouvait être à craindre par le front sud-est de la forteresse, et c’était précisément de ce côté que les batteries flottantes avaient ouvert ces larges brèches dont parlait l’amiral Bruat. Pour faire disparaître ces brèches, il ne fallait rien moins que maçonner de nouvelles murailles. On fit à l’intelligence du troupier français un de ces appels qui sont toujours écoutés, et les fortifications écroulées se relevèrent bientôt sous la direction des officiers du génie. La prise du radeau de bois de construction opérée par la

  1. Elle se composait de quatorze navires de flottille, savoir : trois avisos, le Vautour, le Milan et le Lucifer ; — les trois batteries flottantes ; — sept canonnières : la Flèche, la Grenade, la Flamme, l’Alarme, la Bourrasque, la Meurtrière et la Rafale, — et le transport la Provençale. M. l’abbé Lamarche avait été nommé aumônier de cette division. Les avisos le Milan et le Lucifer devaient faire l’office de courriers entre Varna et Kinburn, même pendant les plus mauvais temps de l’hiver. La Provençale était désignée pour servir tour à tour d’hôpital et de magasin.