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taille de ce mastodonte humain, peuvent bien tenir à une circonstance tout individuelle. Les recherches de l’abbé Frère sur les antiquités crâniennes ont d’ailleurs démontré que le développement des races n’était point en rapport avec le volume, mais avec la forme de la masse cérébrale. Or la forme typique de cette tête, la grandeur de la partie postérieure du crâne, le front étroit et fuyant, les arcades sourcilières proéminentes, les orbites des yeux larges et quadrangulaires, l’épaisseur de lourdes mâchoires armées de toutes leurs dents, à l’exception des dents de sagesse, tout donne à cette face de squelette un caractère de vie sauvage et animale fortement prononcé. Ce caractère se retrouve avec des nuances sur la plupart des monumens humains que j’ai pu examiner, et qui appartiennent à l’âge de bronze. Tous les ordres d’antiquités s’accordent donc à nous représenter dans les anciens Bretons la rude enfance d’une race héroïque et puissante. Sur cette base devait s’élever un jour l’édifice de la civilisation anglaise.

À l’âge de bronze succède dans la Grande-Bretagne l’âge de fer. Cette découverte toutefois fut lente à éclore. L’usage du bronze pour la fabrication des armes s’est conservé en Angleterre plus longtemps que dans les Gaules. On peut en donner pour motif la condition insulaire des habitans. Dans aucun des tombeaux qui ont été découverts au sud de l’Angleterre, on n’a trouvé jusqu’ici d’armes de fer d’aucune sorte, tandis que les armes de bronze s’y rencontrent fréquemment et avec des formes élégantes. Quelques antiquaires croient que l’usage du fer dans les états du sud de la Grande-Bretagne date de l’immigration belge. Or, selon les calculs historiques, cet événement ne remonte guère à plus d’un siècle avant l’invasion de César. Quoi, qu’il en soit, l’époque qui s’étend à partir de là jusqu’à la conquête de l’île sous l’empereur Claude peut être considérée comme la transition entre l’âge de bronze et l’âge de fer. Dans les commencemens, le fer paraît avoir eu l’honneur de passer pour un métal précieux : les tribus calédoniennes portaient des anneaux de fer sur le cou et sur les reins. Cette histoire du travail par les monumens nous montre ainsi dans les différentes phases de l’industrie une succession de formes et de matériaux qui se détrônent les uns après les autres. Parmi les restes de cette époque trouvés dans la Tamise et ailleurs, je citerai seulement des épées de fer avec des gardes et des fourreaux de bronze : elles sont d’un travail supérieur, quoique évidemment barbare[1]. Les crânes humains qu’on suppose appartenir à cette période diffèrent, par la forme et le volume, des crânes humains qui appartiennent à l’âge de pierre et de bronze. Tout indique dans l’organisation de

  1. Quelques-unes de ces épées sont ornées de figures grotesques d’un style hardi.