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plus proprement breton cambrien, ou cambro-breton. Si maintenant nous comparons l’ensemble de la race celtique vivante aux anciens monumens de cette même race qui se rencontrent dans les tombeaux, nous y reconnaîtrons une évidente analogie de constitution physique. Le crâne celtique s’est développé sans doute, mais toujours dans son type, et ce type est beau. Une telle persistance de forme n’étonnera point les physiologistes : ils savent avec quelle ténacité les races humaines, surtout les plus anciennes races, conservent leurs caractères, tant que le croisement n’intervient point d’une manière active et incessante pour les modifier. On reconnaît aujourd’hui entre mille la tête d’un Gaël ou d’un Breton, tant la structure du crâne et les lignes du visage diffèrent des traits de la population saxonne. Les mœurs et les facultés des deux races n’offrent pas moins de contrastes. La famille celtique, intelligente du reste, témoigne généralement peu d’attrait, dans la Grande-Bretagne, pour les conquêtes pratiques de l’industrie ; elle en est restée plus volontiers aux travaux de la pêche, à la vie pastorale et agricole, quelquefois à l’exploitation des mines : encore y est-elle le plus souvent suivie et remplacée par des colonies d’ouvriers anglais. Le Celte n’aime point les métiers, il aime la terre.

Précisons mieux le théâtre des faits, en choisissant une des localités où le groupe celtique s’est le mieux conservé. Il est en Écosse des montagnes et des îles où la population se distingue par des traits fortement tranchés : ce sont généralement celles où la main de la nature imprime à la contrée une physionomie plus étrange et plus sauvage. J’ai surtout en vue le groupe des Hébrides et la chaîne du Grampian. Si vous choisissez pour point de vos excursions le château de Braemar, dans lequel la reine Victoria se retire durant la saison d’été, et que vous étendiez vos courses sur un rayon d’une dizaine de lieues, vous découvrez de tous côtés le beau idéal d’un paysage écossais : des chutes d’eau fumante au milieu des rochers, des rivières tortueuses et encaissées dans des abîmes, de sombres ravins couverts de pins et de bouleaux, quelques débris d’antiques forêts calédoniennes, des têtes de granit dont la masse obscurcit l’air et répand au pied de la montagne, en plein midi, une sorte de crépuscule. Là vit une tribu primitive, qui n’a presque rien perdu de ses caractères. Ce sont pour la plupart des bergers, et à côté d’eux se groupent sur des espaces clairsemés les plus anciennes races de bétail. Vous diriez au milieu des scènes romantiques une apparition des premiers âges, les revenans de l’histoire. Les hommes sont d’une taille haute et athlétique, un peu enclins à l’embonpoint[1] ; leur

  1. Il est curieux de rapprocher ce fait des témoignages historiques : les auteurs latins nous apprennent qu’il existait parmi les anciens Celtes des lois contre l’obésité ; un homme trop gras était condamné à l’amende, et cette amende doublait à la fin de l’année, si le délinquant ne se réformait point.