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dans un village où il remplissait les fonctions de ministre du culte anglican. Après avoir rencontré bien des obstacles, il put enfin se livrer en 1757 à des fouilles dans un cimetière connu sous le nom de Tremwortk Down ; mais, ô désenchantement de l’antiquaire ! il fut reconnu que c’était un cimetière romain. Faussett, en bon Anglais, tenait surtout à retrouver les rudimens de sa race. De 1760 à 1763, il poursuivit ses recherches dans un riche cimetière saxon, à Gilton, dans la paraisse d’Ash, près de Sandwich. Là il n’ouvrit pas moins de cent six tombeaux. C’était alors une opinion reçue que ces tertres ou ces tumuli marquaient le théâtre d’une bataille entre César et les Bretons. Il signala l’erreur. La collection formée par Bryan Faussett, au moyen des antiquités saxonnes découvertes dans les anciennes tombes, fut offerte dernièrement au British Muséum, qui la rejeta[1] ; elle était sur le point de se disperser sur le continent, quand elle tomba aux mains de M. Joseph Mayer, qui la sauva pour l’honneur de la science et de la Grande-Bretagne. Bryan Faussett eut un successeur dans le révérend James Douglas, qui, de 1779 à 1780, se livra au même ordre de travaux. Aujourd’hui de telles investigations s’étendent sur une grande échelle. Signalons parmi les découvertes récentes le petit cimetière ouvert dans le Glocestershire par M. Wylie, et les cimetières plus étendus fouillés à Wilbraham par M. Neville. J’ai assisté moi-même à l’une de ces ouvertures, et une telle scène m’inspira, je dois le dire, des réflexions peu consolantes. Un jour peut-être les états de l’Europe que nous habitons seront recouverts par une nouvelle race d’hommes qui, curieux de connaître leurs devanciers, fouilleront dans nos tombeaux pour y découvrir nos os et pour voir quel singulier type nous étions.

L’historien Bède nous apprend que les Teutons descendus dans la Grande-Bretagne appartenaient à trois branches différentes : 1° les Jutes, qui s’établirent dans le Kent, dans l’île de Wight et sur la côte opposée du Hampshire ; 2° les Saxons ; 3° les Angles. Les excursions faites par les antiquaires dans le champ des ruines et des morts confirment pleinement cette statistique. Les tombeaux du Kent abondent en ornemens d’or et d’argent, en ouvrages de bijouterie et en divers autres articles qui indiquent un état social quelque peu raffiné. On voit se refléter dans cette industrie posthume les traits d’une race plus riche et plus puissante que celle des autres Anglo-Saxons. Ailleurs on trouve rarement des métaux précieux, et les ornemens d’or sont remplacés par des ornemens de bronze doré ; cette différence nous explique la suprématie qu’exerçait le Kent sur

  1. Ce refus n’était motivé que par une question litigieuse ; le mérite de la collection est incontestable.