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les Danois, les Normands, avaient les cheveux blonds et les yeux bleus. Il serait puéril d’attribuer ce changement aux rapports que les Anglais ont formés avec les peuples du midi. Je ne veux point dire que ces relations, fondées sur le commerce, aient été insignifiantes au point de vue de l’achèvement du type national : elles ont certainement donné lieu à des alliances qui, renouvelées de siècle en siècle, ont greffé des rejetons nouveaux sur l’arbre généalogique de la nation anglaise ; mais une cause fortuite, partielle, ne saurait, dans tous les cas, expliquer un fait général. Et puis, la preuve que cette raison n’est pas la bonne, c’est qu’un tel travail de transformation s’est accompli dans des parties de la Grande-Bretagne où n’existe rien de semblable. La population des highlands par exemple est derrière ses montagnes à l’abri de toute infusion de sang étranger, du moins de sang méridional. C’est de plus une tradition constante que les anciens habitans, les Gaels, comme d’ailleurs les premiers Bretons, formaient une race blonde. Eh bien ! les highlandais actuels ne constituent point, il s’en faut de beaucoup, un peuple du même caractère. Dans quelques districts particuliers, mais seulement sur des étendues limitées, les habitans ont aujourd’hui des cheveux roux, et cela sans que rien indique la trace d’une colonie étrangère ; mais les caractères qui prédominent dans une grande partie des highlands, surtout à l’ouest, ce sont les cheveux noirs et droits, les yeux gris, et un teint qui n’a plus la blancheur originelle. On a observé que partout, dans les villes, la couleur des cheveux et des yeux est plus brune que dans les districts ruraux, surtout dans les bois et sur les montagnes. Le type ancien s’est mieux conservé dans les endroits où il était en quelque sorte protégé par la nature ; ailleurs il s’est altéré. La conclusion à tirer de ces faits, c’est évidemment que, sans l’intervention de races étrangères, la race actuelle s’est écartée des conditions qui existaient tout d’abord chez les tribus dont le concours a formé la population anglaise. Où chercher maintenant la cause d’un tel phénomène ? Les changemens survenus dans la forme du crâne nous ont appris déjà que l’organisation humaine n’était point stationnaire. De même que les enfans naissent souvent avec des cheveux blonds et un teint clair qu’ils perdent en avançant en âge, les races dépouillent avec la maturité les signes de l’adolescence. Le tempérament change ; les cheveux et les yeux deviennent d’une couleur plus foncée. Cette croissance des races est un argument de plus en faveur des idées de Prichard, aujourd’hui dominantes en Angleterre. Non content d’affirmer, preuves en main, l’unité de l’espèce, ce grand ethnologiste a insinué que les différentes familles n’étaient, malgré les accidens très graves de forme et de couleur, que des âges différens du genre humain.