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ont tout à fait disparu, d’autres sont revenues à des proportions plus raisonnables. Les véritables affaires n’y perdront pas, car il n’est pas nécessaire de doubler ou de tripler ses capitaux en quelques mois pour en obtenir une rémunération suffisante. Il n’y a d’atteint que les chimères. Les entreprises agricoles et industrielles ordinaires pourront soutenir la comparaison quand elles n’auront plus à lutter que contre la vérité[1].

Le second décime de guerre n’est plus perçu sur l’enregistrement à partir du 1er janvier 1858 : voilà toujours une charge de moins pour la propriété foncière. Peut-on espérer qu’il en sera bientôt de même du premier ? Le corps législatif est saisi de la grande question de savoir s’il faut profiter de l’excédant présumé des recettes sur les dépenses pour rétablir l’amortissement ou pour diminuer les impôts ; il y a de bonnes raisons en faveur de l’un et de l’autre parti, mais la balance penche du côté de l’allégement des charges : c’est le système des Anglais, et ils ne s’en trouvent pas plus mal. Il faut espérer en même temps que les dépenses se repartiront à l’avenir avec un peu moins d’inégalité, de manière à ne plus présenter, dans un pays soumis aux mêmes lois, de si pénibles contrastes.

L’année 1857 a été la plus féconde qu’on ait encore vue en chemins de fer. On en a ouvert dans cette seule année plus de 1,200 kilomètres, tandis que la moyenne des années précédentes n’avait été que de 600. Le réseau exploité dépasse aujourd’hui 7,000 kilomètres ; tout annonce qu’à la fin de 1858 nous en aurons au moins 8,000. Ce n’est pas encore le sixième de ce qu’en ont proportionnellement les Anglais ; mais, eu égard aux obstacles de tout genre qu’a rencontrés chez nous l’exécution de ce grand travail, c’est bien quelque chose. Rien ne peut être plus utile à l’agriculture que l’extension des chemins de fer, surtout si les tarifs sont fixés aussi bas que possible pour les marchandises encombrantes transportées à petite vitesse.

Les lignes nouvellement ouvertes donnant en général moins de

  1. Un travail très intéressant de M. Bailleux de Mamy, inséré dans le dernier numéro de la Revue, peut sembler en contradiction avec ces idées ; il n’en est rien au fond. D’après l’auteur, la spéculation sur les valeurs de bourse n’aurait pas fait plus de progrès, dans, les vingt ans écoulés de 1837 à 1857, que la production industrielle. Cet aperçu doit être juste, mais pour l’ensemble de la période, non pour telle ou telle année en particulier ; or c’est surtout depuis quelque temps que ce genre de spéculation a pris l’accroissement démesuré qui frappe tous les yeux. Je m’associe pleinement à M. Bailleux de Marizy pour la défense de la spéculation en elle-même : c’est un élément utile dans les affaires d’un grand pays, et qui finit en effet par rentrer tôt ou tard dans ses limites légitimes. Il n’y a rien à faire pour la combattre ; mais comme elle a une pente naturelle vers l’excès, et que ses exagérations ont de grands dangers, il ne faut rien faire non plus pour la favoriser.