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pouvoir, une autre mesure tend à fortifier le gouvernement dans les détails de son action quotidienne. Cette mesure était en germe dans quelques manifestations qui se sont succédé en ces derniers temps. Dès le premier moment, au lendemain de l’attentat du 14 janvier, ainsi qu’on a pu le remarquer, le président du sénat, adressant une allocution à l’empereur, insistait, entre autres considérations, sur la nécessité invariable de ne point dévier du principe d’autorité. L’empereur lui-même, en ouvrant la session, disait que le danger aujourd’hui était bien moins dans l’excès des prérogatives du pouvoir que dans l’absence de lois répressives, et il ne dissimulait pas l’intention de faire appel au concours du corps législatif. Quelques jours plus tard, dans un rapport précédant le décret de suppression de deux journaux, M. Billault, encore à ce moment ministre de l’intérieur, annonçait l’élaboration de certaines mesures dont le caractère n’était point défini. Ces paroles faisaient principalement allusion, selon toute apparence, à un projet qui a été débattu devant le conseil d’état, et qui a été présenté depuis au corps législatif sous le titre de mesures de sûreté générale. Il serait inutile, on le conçoit, d’énumérer tous les cas où l’on peut tomber sous le coup des nouvelles dispositions pénales. Il y a des délits depuis longtemps qualifiés par la loi, il en est d’autres qui n’étaient pas spécifiés jusqu’ici, et qui peuvent même n’être pas toujours faciles à préciser juridiquement. Des peines sont édictées contre toute personne qui, pour troubler la paix publique ou pour exciter à la haine du gouvernement, pratiquerait des manœuvres ou entretiendrait des intelligences soit à l’intérieur soit au dehors. Au fond, il est facile de l’observer, la pensée du projet consiste dans la combinaison de ces pénalités nouvelles et de la faculté conférée au pouvoir administratif d’interner dans les départemens et en Algérie ou d’expulser du territoire, par mesure de sûreté, ceux qui auraient encouru les sévérités de la loi. Une disposition particulière autorise le gouvernement à procéder de la même façon à l’égard des individus qui ont été déjà soit condamnés, soit internés, expulsés ou transportés à l’occasion des événemens de 1848,1849 et 1851. Le corps législatif est aujourd’hui saisi de ce projet. Dans l’intervalle, un incident est survenu. M. Billault a quitté le ministère de l’intérieur, et il a été remplacé par M. le général Espinasse, aide-de-camp de l’empereur. Ce changement impliquait-il une modification dans la politique et dans les propositions du gouvernement ? Rien ne l’indique jusqu’ici. Le nouveau ministre a tenu seulement à expliquer, pour le public qui s’en préoccuperait, ce fait particulier de l’avènement d’un militaire à des fonctions purement civiles, et il a donné cette explication dans une circulaire où il insiste sur ce point, qu’il n’est question ni de mesures discrétionnaires, ni de rigueurs superflues, mais d’assurer au pays les garanties de sécurité qu’il réclame, d’étendre partout une surveillance attentive, incessante, empressée à prévenir, prompte et ferme à réprimer. Le titre nouveau de ministre de l’intérieur et de la sûreté générale qu’a reçu M. le général Espinasse semblerait rattacher cette nomination aux mesures actuellement soumises au corps législatif.

À côté de ces mesures, on pourrait placer aujourd’hui le commentaire que le gouvernement lui-même vient de publier dans le Moniteur. Le projet de loi, comme on peut le voir dans l’article du journal officiel, n’a d’autre but que de donner au gouvernement et à la magistrature le moyen d’at-