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pagne, le duc de Savoie, le pape, l’Autriche, les princes allemands, pressant les uns, promettant aux autres, tempérant les conflits d’intérêts et d’amours-propres. Sa constance finit par triompher de Louis XIV. Guillaume III réussit, et son œuvre a survécu. Les Anglais ne l’aimaient pas à l’origine, disions-nous ; ils s’accoutumaient avec peine à l’humeur de ce roi étranger, taciturne et sévère, qui allait volontiers chercher ses favoris parmi les Hollandais ; mais ils subissaient son ascendant, ils se soumettaient à sa froide raison, et ils finissaient même par s’attacher à lui, car, tout étranger qu’il fût, il représentait à leurs yeux les deux choses les plus vivaces et les plus puissantes, le sentiment patriotique et le sentiment protestant.

C’est un fait à remarquer : dans les premiers temps, Guillaume parut plus d’une fois sur le point d’échouer justement par ce qui fait aujourd’hui sa grandeur, par sa modération, par son calme au milieu des passions, parce que, roi d’Angleterre, il refusa de partager les haines vindicatives des partis, et c’est peut-être ce qui a le plus contribué à faire de la révolution de 1688 la dernière des révolutions anglaises, comme l’appelle l’historien. En toute chose, cette époque est une bataille, il est vrai ; mais c’est une bataille où chaque jour est marqué par quelque progrès, et le roi Guillaume est le premier ouvrier de ce travail, d’où la liberté anglaise sort mieux affermie et plus épurée. Aussi suivez le développement de ce règne dans l’éloquent récit de M. Macaulay : vous verrez la marche ascendante de la nation anglaise à partir du bill des droits, consécration définitive des libertés britanniques. En quelques années, tout prend une face nouvelle : les actes importans se succèdent, la périodicité des élections parlementaires est établie, des garanties plus efficaces sont introduites dans l’administration de la justice, le crédit public se fonde par la création de la banque d’Angleterre, la presse commence à s’émanciper, les fureurs intolérantes des sectes religieuses tendent à perdre de leur violence. Guillaume trouve un pays troublé, il laisse un pays plein d’orgueil et de confiance. Tout d’ailleurs, dans les œuvres de ce temps, porte un cachet profondément britannique. L’Angleterre, ainsi que le remarque M. Macaulay, procède, au lendemain de sa révolution, comme elle a toujours procédé, s’inquiétant peu d’accumuler les contradictions ou les inconséquences dans les actes, pourvu que ces actes répondent à un besoin, à une nécessité immédiate. Elle cherche le remède quand le mal se fait sentir, et elle ne cherche pas à innover au-delà de ce qui est nécessaire ; sa politique n’a rien d’abstrait, et se dérobe aux embarras de la logique. Elle concilie tout dans un intérêt pratique, et c’est ce qui donné un caractère si étrangement original aux institutions anglaises. Quand le sentiment national commence à réclamer la publicité des votes, est-ce par l’illumination d’un principe philosophique ? Nullement, on s’aperçoit que le secret des votes, qui était autrefois pour les représentans une garantie d’indépendance vis-à-vis du pouvoir royal, n’est plus qu’un moyen d’irresponsabilité vis-à-vis du peuple. Comment se forme sous Guillaume ce rouage particulier, cette institution indispensable pour le mécanisme de la constitution anglaise, — le ministère ? Il naît de la force des choses, nullement d’un dessein prémédité. Comment naît la liberté de la presse ? Un bill de censure expire, et la presse est émancipée. La liberté de la presse, dira-t-on, n’est qu’un fait. Oui, c’est un fait comme il y en a un certain nombre en Angle-