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Je t’invite au souper promis à mes soldats,
Où la Muse aux bras blancs, sous de tièdes ombrages,
Verse un même nectar aux héros comme aux sages,
Et sourit à Platon près de Léonidas. »

Voici l’accent plus sombre, et la voix surhumaine,
Et les âpres conseils de la vertu romaine,
Qui défend aux grands cœurs, quand tout plie à la fois.
De fléchir sous un maître et de survivre aux lois :

« Ma mort absout ton cœur de sa morne tristesse;
J’ai compris cet abattement
Qui vient, malgré ta flamme et malgré ta jeunesse,
T’accabler ainsi par moment.

Quand je renonce à vivre et succombe à ma tâche.
Et meurs en condamnant les dieux,
Du mal qui m’a tué, tu peux, sans être un lâche,
Pleurer à la face des cieux...

Que Rome soit soumise avec la terre entière :
Je reste à jamais indompté!
Ce fer dans ma poitrine ouvre à mon âme fière
Un chemin vers la liberté.

Ainsi j’ai triomphé; m’emparant de l’histoire,
J’y règne en dépit du plus fort.
Je m’appelle Caton... César, dans sa victoire,
César est vaincu par ma mort. »

Silence, ô rude voix de l’héroïsme antique!
Laisse une âme plus pure exhaler son cantique.
Le bûcher de Rouen, les prés de Vaucouleurs
Lancent autour de nous leurs flammes et leurs fleurs.

« Tu m’aimas d’enfance, et je viens t’apprendre
A chasser bien loin tes noirs assaillans :
Garde un esprit fier dans une âme tendre;
Les cœurs les plus purs sont les plus vaillans.

Tu viens comme au pied d’un autel qui brille
Devant mon bûcher te mettre à genoux;
Pourquoi, dans ton cœur, mon nom d’humble fille
Entre les plus grands est-il le plus doux?

Si tu m’invoquas, pauvre paysanne.
Entre tous les saints de mon cher pays,