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seur enseignait tout à la fois dans son cours la littérature, l’histoire, les mathématiques, la géographie et la chimie. Qu’on ne l’oublie pas, il y a dix ans à peine que cela se passait en Espagne.

La réforme dont M. Gil y Zarate a été l’un des plus habiles promoteurs, et dont il est aujourd’hui l’historien, avait certes beaucoup à faire. Elle a eu le mérite de partir de quelques idées simples, déjà éprouvées dans d’autres pays et appropriées au temps. Chercher à faire revivre les anciennes universités avec leurs privilèges et leur indépendance, cela n’était pas possible : il ne restait qu’à transférer à l’état l’héritage de ces institutions mortes, et à faire de la puissance publique la régulatrice et l’arbitre de l’enseignement renouvelé. Maintenir l’autorité exclusive de l’église sur l’instruction, cela ne se pouvait désormais : la sécularisation des études devenait une nécessité. Il y avait donc une multitude de questions à résoudre : concentrer entre les mains de l’état toutes ces forces éparses et devenues stériles, rassembler les débris des biens des universités, créer un nouveau corps enseignant, développer l’instruction primaire, fonder une instruction secondaire qui n’existait pas, ou qui n’avait existé jusque-là, à quelques égards, que dans les séminaires conciliaires et dans certaines institutions spéciales, réorganiser l’enseignement supérieur. Centralisation et sécularisation, telles semblent avoir été les idées génératrices des réformes commencées en 1845 et poursuivies depuis cette époque, quoique souvent contrariées par des causes de tout genre. Le gouvernement a été partout le moteur, et c’est là le trait distinctif de l’organisation actuelle, modelée en cela sur l’organisation française, et bien différente de l’ancienne organisation. Comme en France, l’enseignement a été partagé en trois degrés : l’instruction primaire, l’instruction secondaire, et l’enseignement supérieur. En quelques années, plus de quinze mille écoles primaires ont été ouvertes en Espagne. Des écoles normales ont été instituées pour former des maîtres. L’instruction secondaire a été représentée par plus de cinquante instituts successivement créés dans les provinces. L’enseignement supérieur a été réparti en dix universités placées à Madrid, à Barcelone, à Grenade, à Oviedo, à Salamanque, à Séville, à Santiago, à Valence, à Valladolid et à Saragosse. Les autorités et les conseils universitaires n’ont plus d’ailleurs les mêmes pouvoirs qu’autrefois. Le recteur et le professeur sont nommés par le gouvernement. Il n’y a plus de privilèges ni de juridictions indépendantes. Quelques-unes des universités réunissent toutes les facultés, d’autres n’en ont qu’un certain nombre. Ce qui survit encore aujourd’hui remonte au plan de 1845 ou s’y rattache indirectement, bien que la pensée réformatrice de cette époque se soit souvent arrêtée en route et ait été paralysée ou détournée.

Il ne faut pas croire effectivement que ces réformes se soient accomplies sans se heurter à maint obstacle et sans soulever des résistances. Elles ont rencontré des obstacles dans les intérêts qu’elles froissaient, dans les habitudes qu’elles violentaient, dans les défiances des populations, quelquefois même dans le mauvais vouloir assez peu déguisé des assemblées. Pourquoi, disait-on, aller chercher des exemples au dehors, lorsqu’on avait de si beaux modèles et des modèles tout nationaux dans l’Espagne d’autrefois? M. Zarate peut répondre avec bon sens qu’une organisation morte n’est pas