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une organisation vivante, et que se rattacher à un passé où l’on trouverait encore plus d’une trace de l’imitation française, c’est une illusion du patriotisme. Lorsque le cardinal Cisneros reconstituait l’université d’Alcala, il ordonnait que cette réorganisation se fît more parisiensi. Un fait assez curieux est l’espèce d’impopularité que l’instruction publique paraît avoir souvent trouvée dans les chambres : non qu’on s’élevât contre elle précisément; mais s’il s’agissait de l’instruction primaire, on disait que c’était une affaire municipale, et s’il était question de rémunérer de nouveaux fonctionnaires, on trouvait toujours les traitemens exagérés. Toutes les fois qu’il y a eu une réduction à faire dans le budget, on a songé à l’enseignement, chose d’autant plus étrange que l’état, après s’être approprié les biens des universités, était fort rigoureusement tenu d’y suppléer. La réforme qui a rencontré le plus de résistance est celle de l’instruction secondaire, parce qu’elle a eu particulièrement à lutter contre l’hostilité d’un corps puissant et organisé, le clergé lui-même. Le plan de 1845 tendait à tracer une démarcation entre l’état et l’église, entre l’enseignement laïque et l’enseignement religieux. Les universités avaient seules le droit de délivrer les grades académiques; les instituts représentaient l’enseignement civil. Les séminaires conciliaires étaient ramenés à leur destination primitive, qui consiste dans l’éducation des jeunes ecclésiastiques et dans le recrutement du clergé. Il y avait un antagonisme évident et dangereux entre les instituts et les séminaires conciliaires. Le gouvernement tint ferme d’abord pour les instituts et voulut rester fidèle à l’esprit qui avait dicté l’organisation nouvelle. La réforme reçut un premier coup en 1851, lorsque le ministère de l’instruction publique, créé quelques années auparavant, fut supprimé et que l’enseignement fut transféré au ministère de grâce et de justice, d’où il dépend encore aujourd’hui. On ne s’arrêta pas là. Quelque temps après, les facultés de théologie furent séparées des universités et réservées exclusivement aux séminaires, qui furent autorisés à décerner les grades académiques et retrouvèrent le droit d’avoir des élèves externes qui leur avait été retiré ; bientôt même, l’enseignement de la philosophie fut diminué dans les universités. C’était évidemment tomber dans un excès. La révolution de 1854 venait, et elle tombait dans l’excès opposé : elle enlevait aux maisons ecclésiastiques toute instruction secondaire, et elle réduisait l’enseignement de la théologie dans les séminaires à ce qui était strictement nécessaire pour les curés de paroisse. Une loi récemment promulguée fait de nouveau une grande part au clergé. M. Gil y Zarate est toujours pour l’enseignement laïque tel qu’il l’avait conçu, tel qu’il l’avait organisé lorsqu’il était directeur général de l’instruction publique.

Quelle a été dans la pratique l’influence de cette réforme contemporaine de l’instruction publique espagnole? Si l’on pénétrait un peu plus profondément, si l’on voulait interroger des chiffres, on obtiendrait plus d’une réponse curieuse qui aiderait à évaluer le niveau intellectuel des populations de l’Espagne. Malgré les efforts qui ont été faits, il est évident que les résultats sont encore loin d’être décisifs. Dans les dernières années, le nombre des élèves des instituts ne dépassait pas douze mille. Cette instruction secondaire elle-même n’est rien moins que complète : elle ne comprend pas