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limites naturelles par l’union de l’Aragon et de la Castille, la conquête du royaume musulman de Grenade et l’occupation du royaume français de Navarre. L’arrangement convenu à cet égard dans le traité de Noyon en 1516 avait été le principal objet d’une conférence tenue à Montpellier en 1519, entre le seigneur de Chiévres et le grand-maître de Boissy, dépositaires des pouvoirs comme de la confiance de Charles-Quint et de François Ier. Cependant toute la noblesse castillane et aragonaise se révoltait à la seule pensée que le petit-fils de Ferdinand et d’Isabelle pût se dessaisir d’un royaume qui était la clé des Espagnes[1]. Aussi la conférence de Montpellier, troublée par la rivalité électorale des deux monarques en Allemagne, avait-elle pris fin à la mort soudaine du grand-maître de Boissy, sans que Charles fût disposé à rendre la Navarre ou à en offrir une compensation,

En Italie, l’opposition des intérêts était bien plus grande encore, et devait produire un choc plus violent et plus prolongé. François Ier et Charles-Quint se faisaient face dans cette péninsule, dont l’un occupait la partie supérieure, et l’autre la partie inférieure. Aucun d’eux ne se croyait assuré de ce qu’il y possédait tant que son compétiteur pourrait le lui enlever en y conservant ce qu’il y tenait lui-même. Il était facile à François Ier de descendre avec une armée du Milanais dans le royaume de Naples, où il trouverait l’appui du vieux parti angevin, et Charles-Quint pouvait faire remonter, du royaume de Naples dans le duché de Milan, des troupes que seconderaient en leur agression tous les ennemis de la domination française au-delà des Alpes. Ils devaient donc chercher à s’exclure réciproquement de la péninsule, — François Ier en dépossédant Charles-Quint de l’Italie méridionale, Charles-Quint en expulsant François Ier de la Lombardie milanaise ;. Pendant quelques années ces projets avaient été tenus en suspens par des conventions purement provisoires et mal exécutées.

La rupture était imminente : les causes n’en manquaient pas ; mais avant de commencer la guerre, chacun des deux adversaires rechercha l’appui des deux princes dont la coopération pouvait le mieux en assurer le succès sur ses deux principaux théâtres, vers les Pays-Bas et en Italie. Prêts à se disputer, à main armée, les terri-

  1. La Roche-Beaucourt, ambassadeur de François Ier auprès du roi catholique, écrivait à de sujet, d’Espagne, au grand-maître Boissy : « Les grands seigneurs s’assemblèrent, faisant les bons compagnons, et s’en allèrent devant le roy, luy remonstrant qu’il ne devoit pas rendre un tel royaume, et que c’estoit la clef des Espagnes, et que si le roy l’avoit en son obéissance, il pourroit commander à toutes les Espagnes ce qu’il voudroit, mais pour le garder, ils se offroient corps et biens. » Dépêche sans date. Bibl. imp., mss. Béthune, vol. 8486, loi. 56.