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serait aussi fâcheux que nuisible, lui écrivit-il, d’aborder en Angleterre et de ne plus y trouver le sérénissime roi mon oncle, lors surtout que, poussé par l’ardent désir de cette réunion, je mets tant de hâte à partir d’Espagne. Votre révérendissime seigneurie sait tout ce que cette entrevue peut apporter d’utilité à moi, au roi mon oncle, et à toute la république chrétienne; je la prie donc très instamment d’obtenir que le roi, comme je l’en conjure par les lettres que je lui écris, consente à retarder son départ de quelques jours et jusqu’après mon arrivée[1]. »

Henri VIII attendit en effet Charles-Quint, et ce prince quitta l’Espagne aussitôt que les vents le lui permirent. Il laissa pour gouverner ce royaume agité le cardinal de Tortose, Adrien d’Utrecht, son ancien précepteur, dont il recommanda l’administration aux grands, qu’acheva de mécontenter le choix d’un étranger. Abandonnant pour ainsi dire à elle-même une rébellion qu’il n’avait pas su prévenir, qu’il ne se mettait pas en peine de réprimer, et dont sa fortune devait triompher bien plus que son habileté, il monta sur sa flotte le 19 mai et mit à la voile le 20. Suivi de Chièvres, qui fuyait la haine des Espagnols, il aborda à Sandwich, où le cardinal Wolsey s’était rendu pour le recevoir. Henri VIII se porta au-devant de lui jusqu’à Douvres. Les deux monarques passèrent cinq jours ensemble dans la plus cordiale intimité[2]. Ils s’entretinrent de leurs plus secrètes affaires et jetèrent les fondemens de leur future alliance. Charles-Quint se montra plus habile en Angleterre qu’il ne l’avait été en Espagne. Il laissa entrevoir à Henri VIII la possession de plusieurs provinces de France qu’il ne pourrait ni réclamer ni reprendre sans lui. Il fit espérer en même temps au cardinal Wolsey son élévation au siège pontifical, qu’il était plus capable de faciliter comme empereur et roi de Naples que ne pouvait l’être François Ier comme roi de France et duc de Milan. Il gagna ainsi et le ministre et le roi en tentant chacun d’eux, par l’objet de son ambition.


IV.

Le jour même où il se sépara de Charles-Quint, Henri VIII s’embarqua pour aller voir François Ier. Il arriva à Calais le 1er juin, accompagné de la reine Catherine sa femme, suivi de son premier ministre Wolsey, escorté des grands officiers de sa couronne et des principaux prélats de son royaume, et conduisant avec lui ce que l’Angleterre avait de plus noble et de plus opulent. Il portait sur

  1. Charles-Quint à Wolsey, 4 mai 1520; Musée britannique, Cotton, Vespas., C. I, fol. 306.
  2. Hall, Chronique.