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pluies et la mauvaise saison lui permissent de débloquer Tournai, qui tomba peu de temps après au pouvoir de ses ennemis. Il n’avait pas eu moins de succès sur la frontière d’Espagne. L’amiral Bonnivet était entré dans Saint-Jean-de-Luz, et il avait occupé toute la partie de la Navarre située sur le revers septentrional des Pyrénées; se jetant ensuite en Biscaye, il s’y était emparé de la forte place de Fontarabie[1].


VIII.

Si la guerre avait été assez heureuse pour François Ier du côté des Pays-Bas et de l’Espagne, il n’en avait pas été de même en Italie. La domination française y avait été compromise par le maréchal de Foix, qui commandait dans la Lombardie milanaise en l’absence de Lautrec, et par Lautrec, lorsqu’il était allé en reprendre le périlleux gouvernement. Ce beau duché[2], qui fut trop longtemps l’objet de l’ambition mal dirigée des rois de France, dont il occupa les armes, dont il épuisa les finances et qu’il détourna du véritable agrandissement de leur pays, inachevé vers le nord, Louis XII en avait été dépouillé, après douze ans de possession, par l’effort commun des Italiens, des Suisses et des Espagnols, qui l’avaient rendu à la maison ducale des Sforza, et François Ier y était rentré de vive force à la suite de la grande victoire de Marignan.

Le joug étranger pesait à ces populations naturellement inconstantes et si fréquemment rebelles. François Ier sembla comprendre d’abord qu’il ne fallait pas le leur faire sentir pour le leur faire supporter. Il imita la douceur généreuse de Louis XII. Ce prince, auquel la bonté avait souvent tenu lieu d’habileté, au moment où il avait conquis et organisé le duché de Milan en 1499, ne s’y était complètement réservé que le pouvoir militaire, moyen de le garder et de le défendre. Ce pouvoir même, il l’avait délégué au chef italien du parti guelfe, au maréchal J.-J. Trivulzi, qu’il avait nommé son lieutenant en Lombardie. Il avait constitué un sénat investi des plus hautes attributions[3]. Il avait de plus conservé aux villes du

  1. Du Bellay, p. 320 à 323. — Sayas, c. XLV, p. 321 à 328.
  2. Il rendait au duc Maximilien Sforza 499,660 écus d’or, qui, à 11 francs de poids métallique, et multipliés par au moins cinq fois, à cause de la valeur relative de l’argent dans, les premières années du XVIe siècle, feraient aujourd’hui près de 30 millions de notre monnaie. Voyez Verri, Storia di Milano, t. II, p. 146, — d’après un registre manuscrit contenant les dépenses et les revenus de Maximilien Sforza.
  3. Composé de deux évêques, de quatre hommes de guerre et de huit docteurs en droit, tous Lombards à l’exception de deux d’entre eux qui étaient Français aussi bien que le chancelier garde du sceau ducal, auquel en appartenait la présidence. Grand conseil d’administration et de justice, ce sénat, dont les membres étaient investis à perpétuité de leurs charges et ne pouvaient en être privés que par le jugement du corps tout entier, avait la sanction des ordonnances du roi, qu’il confirmait ou rejetait à son gré, vérifiait les grâces et les dons, autorisait les privilèges, accordait les dispenses, prononçait les sentences, examinait les mesures de gouvernement, qui ne s’exécutaient pas sans son adhésion. Édit perpétuel de Louis XII, du 11 novembre 1499, dans Verri, t. II, p. 103, 104.