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remords, et m’a demandé l’absolution. Je ne l’ai donnée qu’à la condition qu’il raconterait publiquement ce que vous venez d’entendre. A peine eut-il fini de parler qu’Acacia mit son revolver dans sa poche et courut à la voiture.

— Où vas-tu ? dit Jeremiah. Attends-moi.

— Partons, répliqua le lingot, ou je pars seul.

— Et Lewis ?

— Fais-lui donner un cheval et un guide. Je n’ai pas de temps à perdre.

— Je n’ai pas besoin de guide, dit l’Anglais. Je pars avec vous. Nous la délivrerons ou nous mourrons ensemble.

— Bien dit ! s’écria Jeremiah. Ils montèrent dans la voiture. L’abbé aurait voulu les suivre. Acacia l’en empêcha.

— Restez ici, dit-il, et priez pour le succès de notre entreprise. Votre métier n’est pas de vous battre, et vous pouvez nous rendre de grands services. Faites imprimer sur-le-champ, tirer à vingt mille exemplaires et répandre dans tout le comté l’affiche que voici. Visitez Tom Cribb et la brigade irlandaise ; dites-leur de se tenir prêts ; les élections sont proches, et nous aurons besoin de leur courage. Ah ! coquin de Craig, cette fois tu ne m’échapperas pas.

En même temps la voiture s’ébranla et partit au galop. Voici le texte de l’affiche :

Mensonge !
Infernale trahison !
Scélératesse abominable !

« Peuple magnanime, on te trompe ! on te soulève contre tes meilleurs, tes seuls amis ! Un misérable qu’on appelle Craig, et qu’on devrait appeler Judas Iscariote, a calomnié indignement l’un des plus honnêtes et des plus loyaux gentlemen de tout le Kentucky. Non, M. Acacia n’est pas abolitioniste, et il ne le sera jamais ! Il a cette doctrine perverse en horreur et détestation. Sa vie passée répond de ses principes politiques et moraux. Ce noble enfant de la France a sucé avec le lait de sa nourrice l’amour de l’ordre et de la constitution. Son journal, le Semi-Weekly Messenger, est l’organe de tous les honnêtes gens et de tous les nobles et loyaux Kentuckiens. M. Acacia a l’honneur de prévenir le public et Isaac Craig qu’il se propose à la première rencontre de couper les oreilles dudit Isaac, et de les clouer sur la porte des bureaux du Herald of Freedom pour l’exemple des scélérats et la joie de tous les amis de l’ordre. »

Sans faire la moindre objection, Carlino fit imprimer et placarder cette affiche sur toutes les murailles d’Oaksburgh. Il en envoya des exemplaires dans tout le comté et jusqu’à Louisville.