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sans doute, mais, à bien des égards, frappant de vérité. Le caractère, l’esprit de Louis XVIII, si complexes, si contradictoires, le mélange de qualités, de défauts, de ridicules même, qui en faisaient, à certains points de vue, la représentation vivante de l’ancien régime, et à d’autres le rendaient propre à inaugurer un gouvernement constitutionnel, tout cela est peint à merveille, avec finesse et sagacité, sans trop de malveillance. En lisant ces curieux récits, en voyant tout ce qu’il y avait d’inconciliable dans les deux sociétés, rapprochées, juxtaposées alors par des événemens de force majeure, mais non pas fondues, et parfaitement hors d’état de se comprendre l’une l’autre, on sent qu’une crise était presque inévitable, et que le retour de Napoléon en fut l’occasion bien plus que la cause déterminante.

Aux approches du 20 mars, lorsque Napoléon n’était plus qu’à quelques journées de Paris, lorsqu’à chaque heure on apprenait la défection de quelqu’un des corps envoyés pour le combattre, et qu’il avait ralliés sous l’étendard aux trois couleurs, Marmont fut chargé du commandement en chef des douze compagnies d’officiers de la maison du roi, la seule force sur laquelle on pût compter d’une manière absolue, mais qui ne présentait, malgré son dévouement et sa bravoure, qu’une bien faible ressource. A la cour, tous les esprits étaient éperdus, le découragement le plus complet avait succédé à une aveugle confiance. On ne savait à quoi s’arrêter. On promettait d’attendre l’ennemi, et déjà on pensait à une fuite qu’on différait néanmoins de moment en moment. Marmont demandait instamment que l’on prît un parti sans plus tarder, que si l’on croyait devoir quitter Paris, on se ménageât d’avance un point de retraite où il fut possible de résister et de rallier les amis du trône, que si au contraire on voulait rester dans la capitale, on avisât sérieusement aux moyens de s’y maintenir. Il proposa de mettre les Tuileries et le Louvre en état de défense, de les fortifier de telle façon que, pour s’en emparer, il fallût les démolir avec de l’artillerie de gros calibre. Il offrit de se charger de cette défense, si on voulait lui donner trois mille hommes sûrs et des vivres pour deux mois. La maison du roi, disait-il, peu propre par son organisation et son défaut d’expérience militaire, à combattre en rase campagne, serait excellente pour ce service. Le roi, avec les ministres et les deux chambres, resterait donc dans son palais. Napoléon, maître du reste de Paris, n’oserait l’y attaquer par un siège régulier, par un bombardement, seul moyen de s’emparer de cet asile ainsi défendu; il craindrait l’indignation de l’Europe, de la France, de Paris même; les femmes séduiraient les soldats impériaux, la résolution magnanime du roi ébranlerait les troupes, électriserait la population. De toutes parts éclateraient des soulèvemens royalistes, d’autant plus