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de succès, si bien que le roi a fini par rappeler M. de Rochussen, et un nouveau cabinet s’est définitivement formé. Les principaux collègues de M. de Rochussen sont M. van Bosse et M. van Goltstein, président de la seconde chambre. C’est un ministère franchement constitutionnel, propre à concilier autant que possible toutes les nuances du parti libéral; cette conciliation est dans sa pensée sans doute, et l’accueil qu’il va recevoir des chambres donnera la mesure de sa force. Une chose à remarquer cependant comme un des signes les plus caractéristiques de la situation de la Hollande, c’est que cette crise, si laborieuse qu’elle ait été, s’est déroulée au sein d’un pays tranquille, qui s’est ressenti à peine de cette incertitude momentanée dans la transmission du pouvoir.

Un nouveau cabinet s’est formé il y a quelque temps à Madrid, si l’on s’en souvient, au moment où s’ouvrait la session qui se prolonge encore. Il succédait au ministère du général Armero, dont il recueillait l’héritage, pour ainsi parler, sous bénéfice d’inventaire, c’est-à-dire en se réservant de modifier dans les détails et dans l’exécution une politique dont il acceptait le principe. Depuis ce jour, plusieurs discussions sérieuses se sont succédé dans les cortès. Les chambres espagnoles ont eu tout d’abord à voter leur adresse en réponse au discours par lequel la reine inaugurait la session. Tout récemment encore, le congrès discutait une autorisation sommaire réclamée par le gouvernement pour la perception des impôts, car il est malheureusement vrai que les chambres en Espagne n’ont jamais trouvé le temps jusqu’ici de discuter sérieusement un budget. Le cabinet actuel, qui a pour chef M. Isturiz, s’est-il trouvé fortifié par ces diverses épreuves parlementaires? Il devrait en être ainsi, à n’observer que les apparences, puisque tout a été voté selon les vœux du gouvernement, puisqu’il n’y a eu qu’une imperceptible opposition. Et cependant, à y regarder de plus près, il est douteux que toutes ces discussions, toujours terminées par des votes favorables, aient contribué à donner un grand ascendant, une position très sûre au cabinet nouveau. Aussi voit-on de temps à autre se renouveler les bruits de crise ministérielle; ces bruits renaissaient encore ces jours derniers. Cela tient à plusieurs causes : la première est que cette majorité qui donne si libéralement ses votes au cabinet se subdivise elle-même en toute sorte de fractions, qui peuvent se trouver un jour d’accord pour renverser un ministère, comme elles l’ont fait au commencement de la session, mais qui ne peuvent offrir qu’un appui des plus fragiles et des plus précaires. Et qu’on ne croie pas que ces divisions du parti conservateur, qui règne aujourd’hui dans les chambres, tiennent uniquement à des rivalités, à des dissentimens personnels, à des ambitions qui cherchent à se faire jour. Tout cela existe sans doute en Espagne ; mais la faiblesse réelle de la situation tient à une cause plus profonde et plus grave. En réalité, toutes ces fractions de l’opinion conservatrice ne sont pas même d’accord sur les principes politiques qui doivent dominer. Les chambres espagnoles présentent ce spectacle assez étrange d’une perpétuelle mise en cause de la loi fondamentale. Il en résulte que la majorité du congrès a pu renverser le général Armero et ses collègues, parce qu’elle les soupçonnait d’être trop libéraux, et que M. Isturiz ne se trouve pas plus fort avec l’appui de cette majorité. Il vit dans une situation subordonnée, à la condition de ne rien faire.