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elle nous fournit de précieux indices sur l’art indien, qui ne nous est connu encore que par de rares témoignages. Les peuples chasseurs élèvent peu de monumens. Avant l’arrivée des Européens, les tribus indiennes, partagées en peuplades diverses, rôdaient d’un endroit à l’autre et ne reconnaissaient pas de limites fixes. Leurs guerres perpétuelles étaient une nouvelle cause de déplacemens, les vaincus étant toujours rejetés au loin et cédant leurs terres aux vainqueurs. En outre, ces sauvages étaient avides d’une indépendance effrénée, et ils n’auraient pas supporté un gouvernement qui les eût contraints à ces travaux d’utilité publique, à ces corvées qui sont indispensables dans les sociétés peu civilisées pour construire des édifices. On ne devait donc pas s’attendre à trouver en ces contrées des monumens qui supposent un but, un plan, le concours d’un grand nombre de bras, l’autorité d’un chef et l’attachement héréditaire aux mêmes lieux.

Cependant, depuis qu’on débarrasse le sol américain de cette exubérance d’arbres gigantesques dont il était couvert, on voit avec étonnement surgir des vestiges et des restes d’antiques constructions. Ce sont de longues murailles de pierres, des entassemens de terre, des tombeaux remplis d’ossemens, des enceintes carrées ou circulaires, formées par des fossés et des retranchemens. Au milieu de ces ruines, on trouve des pièces de métaux, des pierres sculptées, des vases de terre cuite, des figures d’hommes et d’animaux. Le nombre de ces constructions délabrées n’est pas moins étonnant. On en découvre dans toute l’étendue des États-Unis, depuis les grands lacs jusqu’au golfe du Mexique et depuis le Grand-Océan jusqu’à l’Atlantique. Dans le seul territoire de l’Ohio, on en compte onze mille cinq cents, et elles ne sont guère moins nombreuses dans les autres états.

Que signifient ces ruines ? Les travaux qu’elles rappellent ont-ils été exécutés par les ancêtres des Indiens de nos jours ? Est-il vraisemblable que cette race d’hommes qui se raidit aujourd’hui contre la civilisation s’y soit soumise autrefois, qu’elle ait jadis cultivé les arts, et qu’ensuite, au lieu de suivre la loi commune du progrès, elle ait rétrogradé jusqu’à l’état sauvage ? Est-il croyable qu’après avoir connu l’agriculture et le bien-être qui en est le résultat, elle y ait renoncé pour s’abandonner aux incertitudes de la vie de chasseur ? Est-il plus vraisemblable que cette terre ait été, dans les temps reculés, occupée par des hommes d’une autre race ? Faut-il admettre que des peuples navigateurs soient venus de l’Europe dans ce pays, qu’ils y aient introduit leurs usages, et qu’ensuite ils aient disparu avec les arts qu’ils y avaient cultivés ? Chacune de ces diverses hypothèses a ses partisans.

On peut ranger en trois catégories les ouvrages auxquels appartiennent ces ruines. Les uns semblent avoir servi à la défense des habitans, d’autres à la sépulture des morts, d’autres enfin au culte religieux.

Les dimensions et l’emplacement des travaux de défense permettent de les distinguer facilement des autres. C’est sur les prolongerons des Montagnes-Rocheuses et des monts Alléghanys que furent construits ces boulevards. De grandes murailles font le tour des hautes collines en suivant les sinuosités du terrain ; l’enceinte en est continue, sauf certaines ouvertures destinées à servir d’entrées, et qui sont toujours placées aux points les plus accessibles de ces hauteurs.

Près du village de Bourneville, dans l’état d’Ohio, on rencontre un ancien