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Durant ce temps, le gouvernement de l’Union, intervenant par l’insinuation et appuyant les conseils par des subsides, gagnerait peu à peu ce chef, afin de s’assurer un instrument d’utiles réformes. Ce serait par les mains du magistrat indien que se feraient les distributions d’argent, de vivres, d’habits. Il serait le canal par lequel toutes les faveurs leur parviendraient. On établirait ainsi au milieu de ces tribus une espèce de police qui se transformerait peu à peu en un gouvernement régulier. Il importerait surtout de répandre parmi les Indiens les vérités du christianisme. On a pu remarquer que ces hommes des bois avaient conservé des idées assez justes sur les attributs de Dieu et un spiritualisme presque subtil dans leur mythologie. Presque toutes leurs croyances peuvent être ramenées aux dogmes chrétiens ; il semble que, pour les convertir, il suffise de compléter leurs traditions religieuses et de leur en faire déduire les conséquences pratiques. Lorsque le Canada fut ravi à la France, il n’y a pas encore cent ans, les premiers missionnaires avaient déjà obtenu de grands succès. Presque toutes les tribus écoutaient avec plaisir la parole du prédicateur. Les Indiens avaient même fort bien compris que la morale de la religion chrétienne n’est pas moins importante que les cérémonies du culte. Si depuis ils ont rétrogradé, n’est-ce pas plutôt la faute des circonstances que celle de leur caractère ?

Les plus grands obstacles à la civilisation des Indiens se sont rencontrés jusqu’ici, non pas précisément dans leur naturel, mais dans les erreurs et les fautes dont ils ont été les victimes. Si, depuis plus de deux siècles, d’excellentes méthodes avaient été employées pour les réformer, et qu’elles fussent restées infructueuses, il faudrait désespérer ; mais qu’a-t-on fait jusqu’à ce jour ? La civilisation ne s’est guère montrée aux Indiens que sous ses plus tristes aspects. Les mémoires publiés à Philadelphie ont éveillé la sollicitude du gouvernement de l’Union ; ils lui ont suggéré des expédiens nouveaux. Sa conscience s’en est émue. Ses moyens sont puissans : qu’il sache en user avec prudence, et peut-être parviendra-t-il à ramener dans le sein de la famille humaine des enfans que de fatales circonstances en ont depuis trop longtemps séparés.


ARMAND MONDOT.