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même songé à prendre une telle précaution. Dès lors la coupable était à sa merci. Il ne restait plus qu’à choisir un moment favorable pour la livrer avec son amant à la vengeance du bey.

Le jour fixé pour une nouvelle entrevue arriva. Oswald, toujours plein de confiance dans son déguisement, n’eut garde de manquer au rendez-vous. Il fut rencontré, comme la première fois, par Zobeïdeh, qui, après lui avoir adressé quelques paroles banales destinées à l’entretenir dans sa sécurité, s’empressa de s’éloigner, certaine qu’il se dirigeait vers la chambre d’Ombrelle. Quelques minutes plus tard, elle faisait annoncera Osman-Bey qu’elle désirait lui parler, et à peine introduite auprès du maître, elle commençait par exciter sa curiosité jusqu’à l’impatience en lui faisant pressentir par ses larmes et ses exclamations quelque révélation fatale Une fois qu’elle vit le bey suffisamment préparé : à recevoir sa terrible confidence : — Ombrelle est à cette heure même enfermée dans sa chambre avec un amant, s’écria-t-elle d’une voix émue.

Osman avait toute la dignité d’un Turc de bonne race. Un léger mouvement trahit seul son trouble intérieur. — Qui vous l’a dit ? demanda-t-il d’un ton froid et sec après un moment de silence.

— Je l’ai vu moi-même.

Osman cette fois devint très pâle, et Zobeïdeh raconta aussitôt dans le plus grand détail toute l’histoire du jeune Franc déguisé en brodeuse. Une fois ce récit terminé, il y eut un nouveau silence. Osman avait gardé en apparence tout son sang-froid et les juges les plus sévères en fait de décorum musulman n’auraient rien trouvé à redire à son maintien. Le seul indice de son émotion contenue était une petite raie rouge tracée au milieu de sa lèvre inférieure, et qui attestait clairement qu’il l’avait mordue.

— Et vous dites, reprit Osman d’une voix qui ne tremblait pas, que vous pouvez me les montrer à l’instant même ?

— À l’instant.

Osman se leva ; frappa des mains et deux esclaves accoururent ; puis, répartirent, chargés de ramener le chef des eunuques accompagné de quelques nègres vigoureux. Restée seule avec son époux, Zobeïdeh crut le moment favorable pour lui rappeler l’amour si parfait qu’elle lui avait toujours voué. Osman l’écouta impassible, et ne rompit le silence que, pour lui enjoindre sèchement de faire venir Maléka. En un instant, les deux femmes du bey furent à ses côtés. Quelques paroles : d’Osman eurent bientôt appris à Maléka quelle faute le bey, se préparait à punir, et Maléka de son côté, en observant Zobeïdeh, n’eut pas de peine à reconnaître la dénonciatrice. Mais pourquoi Zobeïdeh n’avait-elle rien tenté pour arrêter une intrigue depuis longtemps surprise ? C’est une observation que Maléka trouva bon de faire, et quoique le bey l’accueillît d’assez mauvaise