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choix qui blessait l’orgueil italien et semblait menacer la sécurité romaine. Le danger d’une translation du saint-siège en Espagne parut si imminent, qu’on afficha sur les murailles des maisons : Rome est à louer[1].

Afin de dissiper au plus tôt de semblables craintes, le sacré collège nomma trois légats, chargés tout à la fois de notifier au nouveau pape son élection et de hâter sa venue en Italie. Avec les cardinaux de Cortone et Cesarini, attachés au parti impérial, il désigna le cardinal Orsini, qui était du parti français[2]. Le sacré collège espérait que le savoir orthodoxe du pape Adrien et sa vie exemplaire serviraient à raffermir l’autorité dogmatique et à rétablir l’influence morale de l’église romaine, qui se trouvaient alors également ébranlées. Il ne souhaitait pas moins que, dégageant le saint-siège des partialités ambitieuses dans lesquelles Léon X l’avait jeté, ce pontife religieux le mît d’accord avec toutes les grandes puissances chrétiennes[3], et s’efforçât de ramener la paix parmi elles.


II

Adrien était à Vittoria, dans la province d’Alava, lorsqu’il apprit sa nomination, dont il était redevable à tout le monde, et à laquelle le parti français avait adhéré avec un peu moins d’empressement, mais avec autant d’efficacité que le parti impérial. Un camérier du vieux cardinal espagnol Carvajal lui en porta le premier la nouvelle, qui le remplit de trouble et le laissa d’abord dans l’hésitation. Il se retira, l’âme agitée et l’esprit quelque temps incertain, dans le couvent des franciscains. L’expérience qu’il venait de faire en exerçant l’autorité royale en Espagne ne le disposait point à se charger du gouvernement non moins troublé et bien plus difficile du monde chrétien[4]. À la fin néanmoins il s’y décida. Le 14 février, après

  1. Roma est locanda. « Perche tutti credevano che il papa tenesse il papato in Ispagna. » Ibid
  2. Dépêches de Nic. Raince du 9 et du 10 janvier, mss. Béthune, vol. 8500, fol. 86-89, sqq.
  3. « Entre les articles faits au conclave, il y en a ung qu’il (le nouveau pape) fera tout son pouvoir et devoir de mectre paix universelle entre les princes chrétiens, et quant il ne le pourroit faire, à tout le moings il se trouve neutral. » Dépêche de N. Raince du 10 janvier, ibid., fol. 89, sqq.
  4. « Cum esset timoratœ conscientiœ, formidans tantum onus, non decreverat illud subire. » Itinerarium Hadriani, cap. II, p. 161, par Blas Ortiz, chanoine de Tolède, qui était avec Adrien lorsqu’arriva la nouvelle de son élection, et qui l’accompagna à Rome, d’où il ne partit qu’après sa mort. Cet itinéraire est dans : Hadrianus VI sive analecta historica de Hadriano sexto, etc., Collegit Casparus Burmanus, in-4o, Trajecti ad Rhenum, 1727.