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posant des privations à ses soldats, il pourrait tenir un peu plus longtemps ; mais si au bout de ce dernier délai il n’était pas secouru, tout était perdu.

La mesure prescrite par le chef gaulois s’exécuta avec plus de bonheur qu’il n’aurait pu l’espérer. Une nuit, pendant la seconde veille (qui commençait trois heures après le coucher du soleil), sa cavalerie passa en silence par un intervalle des ouvrages romains sans être aperçue d’aucune vedette. César ne connut ce grave événement que par les rapports des transfuges. Il apprit en même temps que Vercingétorix avait fait rentrer dans la place toutes les troupes qui étaient campées sous les murs ; les nombreux bestiaux que les Mandubiens avaient conduits sur la montagne, et qu’on ne pouvait plus nourrir, avaient été partagés entre les soldats ; tous les grains avaient été réunis et mis en magasin ; un système régulier de distributions avait été organisé.

Pourvu de ces renseignemens et sans doute un peu désappointé, le proconsul jugea que ses premiers ouvrages détachés n’étaient pas suffisans, et se décida à envelopper la place par une ligne continue. Il commença par faire creuser un fossé perdu, à fond de cuve, large de vingt pieds. Cette vaste tranchée, qui ne soutenait aucun parapet, dut être exécutée avec beaucoup de rapidité. Elle était destinée à ralentir les Gaulois dans les tentatives qu’ils pourraient faire soit pour inquiéter les travailleurs pendant l’exécution des ouvrages plus importans qui allaient être construits, soit pour attaquer ces ouvrages eux-mêmes, lorsqu’ils seraient achevés. À quatre cents pieds en arrière s’éleva la véritable contrevallation, consistant en un rempart haut de douze pieds, fortement palissadé, surmonté d’un parapet crénelé, et précédé d’un fossé et d’un avant-fossé, tous deux larges de quinze pieds sur autant de profondeur. De quatre-vingts pieds en quatre-vingts pieds, le parapet était surmonté de tours qui tenaient lieu de nos flanquemens modernes, permettaient aux défenseurs des lignes de voir le pied du parapet et de couvrir de projectiles ceux qui tenteraient l’escalade. Ces fortifications étaient, nous l’avons dit, continues : tours, fossés, parapets, palissades, se retrouvaient sur les hauteurs comme en plaine ; seulement dans les parties basses, là où des pentes raides n’ajoutaient pas à la force naturelle des ouvrages, le relief du rempart avait été augmenté, et un cours d’eau détourné arrosait une partie des fossés. Mais cela ne suffisait pas encore au génie inventif et prévoyant de César. L’espace compris entre le fossé perdu et la contrevallation fut rempli de chausse-trappes, de trous-de-loup et de groupes de pieux aigus disposés dans de petits fossés d’une façon particulière. Le tout, distribué en quinconce, constituait un formidable système