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ment dirigés contre le point faible des lignes, sont seuls engagés. César a soin de nous dire, il est vrai, que l’on combattit partout à la fois, qu’il y eut des tentatives sur tous les points[1], et cependant de son récit même il est facile de conclure que les 180 000 hommes qui restaient à Comm et aux autres généraux ne prirent pas une véritable part à l’action, ne firent aucun effort sérieux pour attirer sur eux les forces et l’attention de l’ennemi. Comment encore la cavalerie gauloise n’éclairait-elle pas les flancs de la colonne de Vercassivellaun ? comment n’a-t-elle pas aperçu le mouvement tournant et décisif des escadrons romains ? comment n’a-t-elle pu leur opposer quelque résistance, quand elle avait pu disputer la plaine tout un jour à un nombre double d’adversaires ? Ces fautes énormes des Gaulois n’ont pourtant rien qui doive nous surprendre.

D’abord il était impossible d’espérer quelque ensemble dans des mouvemens dirigés par quatre généraux en chef flanqués d’un conseil. Les assemblées libres ne sont nullement une entrave et sont souvent d’un grand secours pour les gouvernemens engagés dans des guerres justes : il est certains leviers qu’elles seules peuvent manier ; mais si le système constitutionnel se prête parfaitement à l’organisation et à la direction de la guerre (nous en avons eu des exemples), ses formes seront à jamais déplacées dans le commandement des armées, ses plus sincères admirateurs en conviennent hautement. Le mauvais succès des Gaulois devant Alesia est un exemple, ajouté à tant d’autres, des funestes conséquences que ne peut manquer d’avoir sur le terrain le manque d’unité et d’indépendance dans le commandement.

En second lieu, nous savons que les 60 000 hommes de Vercassivellaun comprenaient l’élite de l’armée de secours. Il est fort probable que le reste n’était qu’une multitude confuse et à peine armée, bonne tout au plus à faire nombre et nullement à combattre. César s’en aperçut et s’en préoccupa peu. Il employa toutes ses forces à repousser les deux attaques sérieuses dirigées contre lui de l’intérieur et de l’extérieur. Dès que sa victoire fut assurée sur ces deux points, les 180 000 hommes qu’on avait mis en ligne tant bien que mal disparurent aussitôt. Les soldats de Vercassivellaun avaient montré beaucoup de courage et de persévérance, mais ils étaient mal disciplinés et entassés devant un seul front de fortification. L’apparition de quelques escadrons sur leurs derrières les mit tous en fuite. Rien dans tout cela que de très naturel et de très conforme aux habitudes des armées barbares. Plus ces armées sont nombreuses, plus leurs masses sont compactes, et plus le manque d’or-

  1. « Pugnatur uno tempore omnibus locis, atque omnia tentantur. » B. G., vii, 84.