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portantes n’assuraient pas seulement de vastes débouchés et de nouvelles ressources à la Hongrie, elles devaient encore la rattacher plus intimement que jamais à l’Autriche par le lien des intérêts matériels.

Au milieu de cette grande activité, le gouvernement saignait toutefois d’une plaie profonde, dont la guérison devenait chaque jour plus difficile : nous voulons parler des finances de l’empire. La révolution, les guerres civiles qui en furent la suite, les efforts extraordinaires qui devinrent nécessaires pour rétablir l’ordre à l’intérieur, avaient nécessairement diminué les recettes, augmenté considérablement les dépenses, apporté un dérangement immense dans l’état financier de l’Autriche, qui avant 1848 n’était déjà rien moins que satisfaisant. La dette publique s’était accrue, de 1848 à 1851, de plus de 450 millions de florins (au-delà de 1 100 millions de francs). On comprend ce que cette somme a relativement d’excessif, quand on se rappelle que la moitié à peu près de l’empire d’Autriche compte parmi les pays les plus pauvres et les moins cultivés de l’Europe, que l’empire, avant 1848, pouvait à grand’peine supporter le fardeau des impôts publics, qui pourtant alors ne s’élevait pas à plus de 160 millions de florins (400 millions de francs). En même temps la situation économique de la nation n’était pas moins gravement atteinte que les finances de l’état. La banque de Vienne, la seule autorisée à émettre des billets, avait dû en 1848 suspendre ses paiemens en espèces métalliques et donner à ses billets un cours forcé. Par conséquent le numéraire avait complètement disparu, et en grande partie émigré. Les billets de la banque de Vienne étaient donc, comme ils le sont encore aujourd’hui, le seul moyen de circulation en Autriche ; le cours en variait de 10 à 30 pour 100 de perte, et descendit un moment jusqu’à 60 pour 100[1].

Il était naturel que, dans cette situation critique, le ministère hésitât à se présenter devant l’assemblée nationale, et pourtant le concours du parlement lui offrait le seul moyen peut-être de parer à la gravité croissante de ces embarras financiers. Si cette première infraction à la constitution octroyée n’est guère justifiable, elle trouve du moins son excuse dans la faiblesse de la nature humaine, dans l’inexpérience parlementaire des ministres, et dans la terreur qu’inspiraient encore les souvenirs de 1848. On temporisa donc, on remit d’une année à l’autre la réalisation des promesses constitutionnelles, et, comme toujours aussi, les difficultés ne firent

  1. En 1849, le gouvernement se vit obligé d’émettre du papier-monnaie ayant cours forcé à côté des billets de banque. Ce papier-monnaie fut retiré de la circulation quelques années plus tard par les efforts combinés de la banque de Vienne et du gouvernement, qui contracta en 1854 un emprunt national de 500 millions de florins à cet effet.