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Voilà pourquoi, au point de vue de sa politique extérieure, le cabinet de Turin n’a point hésité à présenter un projet qui était un gage de bonnes relations avec la France. Et, d’un autre côté, en proposant cette loi qui a été l’objet de tant de commentaires, le ministère sarde ne restait-il pas encore dans la ligne de sa politique intérieure et de sa politique en Italie ? Sous un certain aspect, cette loi n’est autre chose que le désaveu de toutes les tentatives violentes de la démagogie. Par là, elle caractérise essentiellement et heureusement le rôle du Piémont, qui représente en Italie, non la révolution, mais un libéralisme éclairé, destiné à rayonner pacifiquement. Si M. Mazzini a cherché récemment à impliquer M. de Cavour dans ses tentatives d’insurrection, il a reçu une réponse assez méprisante et aussi nette que possible. Le discours du président du conseil, dans la dernière discussion, a été l’éloquente exposition de cette politique libérale et modérée du Piémont, et l’acte d’accusation le plus sanglant dirigé contre les conspirateurs ténébreux et les sectaires dont les agitations permanentes sont une menace pour toutes les sécurités, un prétexte dont se servent tous ceux qui redoutent la liberté.

Quelle a été l’attitude des diverses tractions de la chambre dans ce débat ? Une confusion singulière des partis avait contribué un instant à jeter du doute sur le sort qui attendait le projet du gouvernement. On se demandait comment une majorité hostile avait pu se glisser dans la commission parlementaire. N’était-ce point l’indice d’une sorte de coalition tacite entre la droite et la gauche, coalition qui, si elle eût existé réellement, eût amené sans doute un résultat semblable à celui qu’on a vu en Angleterre il y a deux mois ? Le jour où la discussion s’est ouverte, toutes les situations se sont éclaircies ; un certain nombre de membres de la gauche ont continué à combattre la loi. La droite au contraire s’est ralliée tout au moins au principe du projet. M. de Revel a même saisi cette occasion de faire une profession de foi nettement constitutionnelle, et peut-être ce programme de l’un des principaux chefs de la droite a-t-il poussé M. le comte de Cavour à répondre à son tour par un exposé de toute sa politique, tandis que d’un autre côté il ralliait un certain nombre de libéraux hésitans au ministère, ainsi menacé de trouver un successeur dans une nuance plus conservatrice. M. Ratazzi a donné l’exemple d’un véritable esprit politique en soutenant le projet ministériel. Toujours est-il que de cette remarquable lutte parlementaire le cabinet de Turin sort aujourd’hui victorieux, et que la politique du Piémont reste ce qu’elle était, une politique libérale et conservatrice.

Après les oscillations qui ont eu leurs effets depuis quelques années dans la vie publique de la Hollande, qui ont troublé parfois les rapports entre le gouvernement et les chambres, un nouveau cabinet vient de se former à La Haye au milieu de la paix des opinions et des partis. Ce cabinet, dont le chef est définitivement M. Rochussen, ancien gouverneur des Indes, se compose en outre de M. van Goltstein, qui est passé de la présidence de la seconde chambre au ministère des affaires étrangères, de MM. van Bosse, ministre des finances, van Têts, ministre de l’intérieur, van Bosscha, ministre du culte réformé. Les autres membres du précédent cabinet restent dans le nouveau. Au premier instant, le roi a paru tout au moins peu pressé de souscrire à un changement de ministère qui était, dans une certaine me-