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et à mettre en lumière leurs antiques monumens historiques et littéraires. Initiées bien longtemps après les peuples de race latine et germanique à la civilisation et aux sciences que l’esprit moderne a fait naître et a développées dans l’Europe occidentale, elles semblent vouloir aujourd’hui compenser par la rapidité des progrès ce qu’a de tardif chez elle cette rénovation : phénomène intellectuel analogue à la végétation dans les régions boréales, enchaînée par un hiver long et rigoureux, et s’épanouissant, sous l’action fécondante des premiers rayons solaires, avec une spontanéité qui tient du prodige. Dans cette transformation, une large part doit être attribuée aux travaux et à l’influence de l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, qui, dans le cours d’une existence comparativement récente, a su conquérir une des premières places parmi les associations savantes de l’Europe. On sait qu’une des sections de cette académie, la deuxième, pourvue d’attributions analogues à celle de notre Académie française, est vouée à l’étude spéciale de la langue et de la littérature russes ; mais, de plus que cette dernière, elle embrasse dans son domaine tout ce que cette langue et cette littérature ont produit dans les âges anciens, et par ce côté elle participe au caractère de notre Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Dans l’impossibilité de rappeler ici tous les titres par lesquels elle s’est illustrée, je me bornerai à citer sa collection complète des annales russes (Polnoïé sobranié rousskich liétopiceï), magnifique monument dont l’exécution fait le plus grand honneur au gouvernement du tsar, par l’impulsion et aux frais duquel il a vu le jour, à la commission archéographique chargée de le publier, et au rédacteur de cette commission, le regrettable et très savant M. Berednikof. À ces labeurs collectifs viennent s’ajouter ceux qui sont dus à des efforts particuliers, et qui tous tendent, avec des mérites divers, à exhumer les restes vénérables de l’antiquité slave.

M. Serge Stroïef, après avoir visité les principales bibliothèques de l’Allemagne et de la France, avait rédigé sa Description des Monumens de la Littérature russo-slave[1], ouvrage qui n’a été imprimé qu’après sa mort (Moscou 1841). Ce livre, qui n’est qu’un essai, mais un essai d’un mérite réel, est le premier où les manuscrits slaves de la Bibliothèque impériale de Paris aient été passés en revue et examinés d’une manière sérieuse. Un autre travail du même genre, mais exécuté sur un plan plus étendu et avec toute la critique désirable, est celui qui a pour objet les manuscrits slaves du musée Roumiantzof à Saint-Pétersbourg, et pour auteur M. Vostokof (1842). Enfin, deux savans professeurs de Moscou, MM. Névostrouïef et Gorski, viennent d’entreprendre une description des ouvrages du même ordre qui sont conservés dans la Bibliothèque synodale de Moscou.

Un docte religieux d’origine russe, fixé parmi nous depuis plusieurs années, le révérend père Martinof, a voulu apporter aussi son contingent à ces études et nous révéler les précieuses épaves dont la littérature de sa patrie a enrichi la France. Le volume qu’il vient de faire paraître n’est point une revue complète et détaillée comme celle de M. Vostokof, ni un simple catalogue, mais une notice où le contenu et l’âge des manuscrits sont indiqués suffisamment pour donner une idée nette de la valeur littéraire ou historique

  1. Opiçanié pamiatnikov slaviano-rousskoï literatoury.