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ne rencontrent-elles pas dans les conseils-généraux, au corps législatif, au sénat, une opposition décidée, presque violente? En réalité, ce n’est pas elle qui prêche la routine ; c’est la majorité du pays qui se refuse à la suivre dans les voies plus larges où elle voudrait l’engager. On pourrait citer d’autres exemples : bornons-nous aux expositions. Avant l’exposition universelle, il y a eu en France plusieurs expositions de l’industrie. Comment ont-elles été organisées, si ce n’est par les soins de l’administration? Et voit-on que celle-ci s’en soit mal tirée? En 1856, nous avons eu à Paris une exposition universelle de bestiaux; ce n’était point une œuvre facile à exécuter, et cependant une simple division ministérielle, la division de l’agriculture, a suffi à cette tâche. Il est possible que, pour obtenir plus sûrement l’ordre et la précision de mouvemens qui doivent marquer tous ses actes, l’administration s’impose à elle-même et impose au public un luxe trop grand de formalités et d’écritures : il y a même encore une certaine école bureaucratique qui mesurerait volontiers son importance au poids de ses dossiers ; mais, tout bien considéré, il est permis de penser que les services publics renferment des élémens d’intelligence et d’initiative plus que suffisans pour concourir utilement à l’organisation de la prochaine exposition universelle, et qu’il serait superflu de chercher ailleurs des auxiliaires plus actifs et plus dévoués.

Je reviens, après cette digression, à la question financière. Il s’agit de savoir si l’on doit exiger des visiteurs le paiement d’un prix d’entrée aux expositions. D’après le prince Napoléon, cette mesure serait équitable, puisqu’au lieu de faire supporter obligatoirement à tous une dépense ouverte au profit d’une partie de la nation, on la ferait ainsi acquitter volontairement par ceux-là mêmes qui en retirent avantage. Pour que le raisonnement fût tout à fait exact, il faudrait que le produit du prix d’entrée couvrît entièrement les dépenses de l’exposition; autrement, comme les frais sont, en France du moins, prélevés sur le budget général, tous les contribuables demeureraient grevés d’une dépense dont tous ne seraient pas autorisés à profiter. On pourrait ajouter que le succès matériel et en quelque sorte moral d’une exposition industrielle réside dans la publicité la plus large, que l’exposant, qui souvent s’est imposé de lourdes dépenses pour figurer avec honneur à ce concours solennel, désire légitimement ne pas voir restreindre le nombre des spectateurs admis à apprécier ses produits, enfin qu’il y a presque un intérêt national à ne pas éloigner la foule d’un spectacle où son goût s’élève et s’épure, d’un musée populaire où lui apparaît partout l’image du travail. Malgré ces objections, qui pourraient être présentées en faveur du principe de la gratuité, la proposition du