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l’éclairer ni lui dire la vérité. » Ce jugement est un peu sévère, et la commission anglaise ne l’accepterait pas. Il semble plus équitable et plus vrai de supposer que la commission, apercevant l’impossibilité d’obtenir de tous les industriels la publication des prix, a préféré établir pour l’ensemble des exposans une règle uniforme. Sans doute aussi elle avait compris que l’indication facultative, dont l’exactitude eût été très difficile à contrôler, donnerait lieu à des fraudes qui auraient mis en relief les fabricans peu scrupuleux, au détriment des fabricans honnêtes, et qui auraient en même temps égaré l’opinion du public. L’expérience de 1855 justifie jusqu’à un certain point la mesure adoptée à Londres. Dès le début, le président de la commission impériale avait proposé l’indication obligatoire. « Un petit nombre d’industriels ayant donné ce renseignement, la commission adressa les invitations les plus pressantes de faire connaître les prix au public ou au moins au jury. Ces appels eurent un médiocre succès. Les exposans continuèrent pour la plupart à dissimuler leurs prix de vente, et parmi ceux qui se décidèrent à les faire connaître, il y eut peu de moyens de contrôle, de sorte qu’on ne put savoir si les déclarations étaient conformes à la vérité. » Dans une autre partie du rapport, on lit : « A diverses reprises, la commission stimula le zèle des exposans pour obtenir d’eux l’indication des prix; mais ou bien elle échoua devant un mauvais vouloir très prononcé, ou bien elle n’obtint que des résultats illusoires. » En conséquence, le prince estime que l’indication facultative des prix, essayée en 1855, devrait être bannie d’une exposition.

Les deux premiers systèmes étant ainsi écartés, reste le système des prix obligatoires, pour lequel le prince se prononce formellement et avec une insistance toute particulière. Ce n’est pas qu’il se dissimule les difficultés que l’on rencontrera pour obtenir des prix exacts, ni les résistances qu’il faudra briser; mais ces obstacles ne le découragent pas. Il espère que l’exemple, donné d’abord par un certain nombre d’industriels, gagnera de proche en proche, deviendra contagieux, et domptera les plus récalcitrans. « Pourquoi, dit-il, serait-ce précisément dans le commerce et dans les transactions qu’on s’abstiendrait de porter la lumière, c’est-à-dire là où les lois de la justice la réclament le plus? Tout ce qui est honnête doit pouvoir se dire tout haut. Le commerce doit se soumettre aux exigences de la publicité; je l’estime trop pour lui faire l’injure de croire qu’il a besoin de ténèbres pour prospérer. Le commerce est une des forces de la civilisation; il faut donc qu’il se montre à la hauteur du rôle qui lui est dévolu. » On remarquera que, même dans cet ordre d’idées, le système de l’indication obligatoire des prix de vente ne triompherait pas immédiatement, et