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utiles. Ils exposeraient les mérites de chaque industriel, ils plaideraient devant le public dans l’intérêt de toute œuvre digne d’être signalée; mais ils s’abstiendraient de prendre des conclusions. Tel est en résumé le mode que recommande le président de la commission impériale, et sur ce point encore j’aurais à exprimer quelques doutes. Que le jury ne soit pas et ne puisse pas être parfait, cela est incontestable. Que, dans la distribution des récompenses, le savoir soit exposé à être sacrifié au savoir-faire et le mérite modeste à l’intrigue, cela est encore évident; cela se voit et se verra toujours, aux expositions et ailleurs. On peut même concéder que, dans les concours industriels, la nécessité de grouper les produits par classes est une cause particulière et considérable d’injustices relatives. En un mot, il y a une grande part de vérité dans les critiques que le président de la commission impériale dirige contre l’institution des jurys de récompenses; mais ces critiques ne s’adressent-elles pas également aux jurys d’études? S’il n’y a plus de médailles, il y aura le compte-rendu. La récompense changera de forme, et l’ambition des exposans sera d’obtenir du jury d’études un rapport détaillé et favorable. Dans ce système comme dans l’autre, les industriels modestes peuvent être oubliés, les absens auront tort; la conscience des jurés courra le risque d’être égarée par les intrigues, par les faux renseignemens, par les obsessions importunes. Quant aux injustices relatives, elles ne disparaîtront pas entièrement : deux produits égaux en mérite pourront souvent n’être pas également appréciés, parce qu’ils ne seront pas étudiés par la même classe du jury ou parce que le rapport, en ce qui les concerne, ne sera pas rédigé par le même juré. Mais pourquoi nous arrêter à cette comparaison des deux systèmes? La question est ailleurs. Ce n’est pas un besoin de justice absolue qui a motivé l’institution des récompenses dans les concours de l’industrie. Bien que, jusqu’à ce jour, les décisions des jurys aient été considérées comme représentant une moyenne suffisante d’équité, on sait parfaitement que les jurés ne sont pas infaillibles, et que l’on pourrait quelquefois interjeter appel de leurs arrêts. Ce qui a fait établir les récompenses, c’est le désir de stimuler et d’honorer l’industrie, et il faut reconnaître que ce moyen est en définitive très efficace. Indépendamment de l’idée de lucre, la pensée d’obtenir une médaille encourage l’industriel et provoque des sacrifices dont les résultats profitent à tous. Il est notoire que, pendant l’année qui précède une exposition, il y a dans les usines un redoublement d’efforts pour perfectionner la fabrication des produits et pour hâter l’apparition des inventions nouvelles. Dira-t-on que l’espoir d’une distinction honorifique est étranger à ce mouvement? Les récompenses entretiennent une émulation féconde, à