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leurs titres, et elle le fait justement ; mais c’est à la vraie noblesse de marquer sa place et son rôle dans la vie sociale.

Il est un autre genre d’affaires où le corps législatif a porté un zèle tout spécial d’étude et d’investigation scrupuleuses. Les finances, les projets de travaux publics, impliquant des dépenses nouvelles et une participation de l’état, ont été l’objet d’un examen où se révèle un esprit de prudence et d’économie qui n’aurait peut-être qu’à persister pour avoir quelque etïïcacité. Le corps législatif n’a point sans doute fait accepter tout ce qu’il proposait. Il a obtenu néanmoins certaines réductions dès ce moment, et il a insisté assez vivement sur la nécessité d’arriver par degrés à la diminution du nombre des emplois, surtout dans les administrations centrales. Il a aussi fait réduire de 10 millions le chiffre de la subvention accordée par l’état à la ville de Paris pour les grands travaux qui vont s’accomplir, ou plutôt qui vont continuer, et même dans la discussion on n’a pas dissimulé les inconvéniens possibles de ces vastes systèmes de transformation matérielle qui déplacent subitement tant d’intérêts, amassent à Paris des agglomérations flottantes et dangereuses, et créent pour toutes les classes de la population sédentaire d’incessantes difficultés de vivre. Au surplus, ce qui est à remarquer dans cette fin de session, c’est moins le succès de certaines propositions que le désir visible du corps législatif d’intervenir utilement et sérieusement dans le contrôle de toutes les affaires. Sans franchir les limites qui lui sont tracées, en usant simplement de ses droits, il peut exercer une action profitable et décisive. Il sera certainement soutenu par l’opinion, et dans l’intervention indépendante du corps législatif le gouvernement lui-même ne peut voir que le jeu naturel des institutions actuelles.

La politique de l’Espagne est depuis quelques mois livrée aux incidens et vit au jour le jour, non que la situation, telle qu’elle existe à Madrid, soit extérieurement troublée ; mais chaque incident, fût-il le plus imprévu, réveille naturellement toutes les questions qui préoccupent les esprits : tout devient matière à crises ministérielles. En certains momens, les luttes d’opinion n’ont besoin que d’un aliment pour se ranimer aussitôt. Qu’un crime soit commis dans les rues de Madrid contre un colonel député, l’esprit de parti cherche à s’emparer d’une affaire qui a probablement un caractère tout privé. Qu’une interpellation se produise dans le congrès au sujet de la publicité exceptionnelle donnée à un discours prononcé, il y a trois mois, par M. Bravo Murillo, ce simple fait, facile à expliquer en quelques paroles, devient le point de départ d’une discussion de plusieurs jours sur toute la politique de l’Espagne. L’érection d’une statue à M. Mendizabal prend subitement une importance politique ; elle occupe longuement le sénat, elle provoque une sorte d’ébranlement du ministère, et le cabinet n’échappe à ce premier danger que pour tomber dans une crise nouvelle, à l’occasion d’une question de règlement parlementaire. La politique marche ainsi au-delà des Pyrénées, sans agitation apparente il est vrai, mais aussi sans trop de fixité. De tous ces incidens qui composent aujourd’hui la politique espagnole, l’un des plus curieux certainement est celui qu’a fait naître le projet d’élever une statue à M. Mendizabal sur une place de Madrid. Ce projet ne date pas d’aujourd’hui, il remonte à la dernière révolution, et il avait même été pri-