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Il était encore au début de cette épreuve lorsqu’il reçut du roi l’ordre de donner son nom à une enfant qui n’en avait point, et de subordonner le bonheur de sa vie aux convenances d’un pouvoir qui avait entrepris de faire disparaître la tache d’un double adultère sous une adoption royale. Le mariage de Mlle de Blois avec son neveu fut assurément l’acte le plus hardi de Louis XIV ; ce fut celui qu’il prit aussi le plus de soin pour préparer à cause de son énormité même. Renonçant à obtenir pour cette mésalliance l’assentiment d’une mère allemande dont il connaissait la hautaine rudesse, et qui paya d’un soufflet le consentement arraché à la timidité de son fils, il amena sans trop d’efforts à sa volonté le duc d’Orléans, son frère, en pratiquant lui-même ses méprisables favoris ; il laissa d’ailleurs percer l’intention d’assurer dans l’état au brillant époux de sa fille naturelle une position à laquelle Monsieur avait dû renoncer pour lui-même, mais qu’il voyait avec une sorte de fureur refuser également à son fils. La perspective d’obtenir du roi, dont il allait combler le vœu le plus cher, un commandement dans l’armée et l’espoir de n’être pas traité d’une manière plus défavorable que les collatéraux et les bâtards de la maison royale, tous investis de gouvernemens provinciaux, rendirent moins amère au duc de Chartres une adhésion qu’il avait d’ailleurs trop peu d’énergie pour refuser, car si ce prince, toujours tremblant sous le regard du roi son oncle, contrista souvent Louis XIV par ses désordres, il ne le contraria jamais par une résistance.

Le roi s’était d’ailleurs assuré le secret concours de l’abbé Dubois, devenu, grâce à son esprit supérieur et à son caractère facile, le conseiller très écouté de son élève dans ses mécomptes et ses projets d’avenir. Admis plusieurs fois près de Louis XIV pour préparer l’union que ce prince souhaitait en père et ordonnait en roi, Dubois. avait été deviné dans ses aptitudes si souples et invité à désigner lui-même sa récompense pour un aussi grand service. S’il était vrai que l’abbé eût osé dès lors demander au roi une nomination au chapeau, devançant ainsi de vingt-cinq ans les prodiges de sa fortune, il faudrait bien en conclure, contrairement à Saint-Simon, qui affirme le fait, que, du vivant même de Louis XIV et dans ces commencemens obscurs, Dubois n’était ni pour le roi ni pour la cour « ce sacre infâme et blasphémateur dans lequel tous les vices combattaient à qui en demeurerait le maître[1]. »

Quoi qu’il en soit, le duc de Chartres, devenu l’époux de la fille de Mme de Montespan, comprit bientôt qu’il n’avait rien à attendre de ce mariage humiliant après les pensions et les pierreries avec

  1. Mémoires du duc de Saint-Simon, éd. 1853, t. XXIII, p. 13.