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eu lieu que pour les charbons belges et anglais, par les lignes du Nord et de Rouen, auxquelles il convient d’ajouter aussi la ligne de Forbach pour le bassin de Sarrebruck. Le transport de matières aussi lourdes et aussi encombrantes que la houille semblerait d’ailleurs devoir être l’apanage exclusif des voies navigables, et il va sans dire qu’il n’a été détourné sur les chemins de fer qu’au moyen d’un abaissement considérable du tarif afférent à cette marchandise. Ce tarif est en effet de 10 centimes par tonne et par kilomètre dans le modèle le plus récent de cahier des charges d’une concession de chemin de fer. La compagnie du Nord est la première qui ait engagé la lutte avec les canaux, en ne demandant d’abord que 0 fr. 035, puis 4 centimes ; elle a été imitée par la compagnie de l’Est, et cette tentative a été tout aussi favorable aux novateurs qu’aux consommateurs ; elle vient, un peu tard il est vrai, d’être renouvelée par la compagnie de Lyon, qui en tirera les mêmes avantages. Aucune autre compagnie n’a trouvé que son intérêt lui conseillât de prendre un semblable parti, qui amènerait une diminution très notable dans le prix de la houille, et serait par conséquent éminemment favorable aux concessionnaires de mines. Nous avons vu quelle limite atteignait le prix du transport de la houille sur les chemins de fer anglais : elle serait à la rigueur admissible pour nos chemins de fer dans le cas d’une ligne qui entrerait en concurrence avec un canal parallèle ; mais le prix de 0 fr. 015 par tonne et par kilomètre n’aboutirait pas à un bénéfice sérieux.

On le voit, la lutte engagée entre les canaux et les chemins de fer pour le transport de la houille et des marchandises semblables ne peut qu’être favorable au consommateur, puisqu’elle se traduit par des réductions de prix ; mais si les canaux présentent le grave inconvénient d’être sujets à des chômages trop fréquens en hiver ou en été, ils n’en sont pas moins les voies naturelles des transports à grande distance pour les matières lourdes et encombrantes, et d’ailleurs les prix des chemins de fer se relèveraient certainement dès que les canaux auraient été abandonnés par la batellerie. On ne doit donc pas désirer que cette lutte aboutisse à un résultat aussi radical, et on ne peut que se joindre au comité des houillères quand il réclame du gouvernement une réduction sur les droits de navigation intérieure, réduction accordée déjà sur une partie du canal du Rhône au Rhin qu’avoisine la ligne de Strasbourg à Bâle, et qui, généralisée, améliorerait certainement beaucoup les conditions de la circulation de nos produits houillers. On conçoit en effet que ces droits de péage de 1 centime par tonne et par kilomètre, c’est-à-dire constituant la moitié ou les deux tiers du fret total, soient un obstacle à la diminution de celui-ci, puisqu’ils ne peuvent participer