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qu’il le reconnaissait prince séculier du Monténégro, et qu’il continuerait à son pays la protection de la Russie.

Le retour de Danilo dans la Montagne-Noire fut un triomphe. Il revenait la tête remplie d’idées de réformes. Il communiqua aussitôt au peuple le programme de son gouvernement et les changemens qu’il voulait apporter à la législation, tout en respectant les principales lois établies en 1796 par Pierre Ier, Pierre le Saint. Le jour de la Nativité de la Vierge, une réunion populaire fut convoquée dans la plaine de Cétinié pour entendre la lecture de la nouvelle constitution et lui donner une sanction solennelle. Le prince Danilo eut bientôt l’occasion de rendre plus éclatante encore cette restauration du pouvoir princier. Vers la fin de 1852, les Turcs firent une incursion du côté de l’Albanie ; les Monténégrins y répondirent par la prise de Jabliak, l’ancienne résidence des Tsernoïevitch, que le prince enleva en personne (24 novembre 1852). La guerre fut déclarée, et Omer-Pacha chargé de soumettre les montagnards. Trois corps d’armée s’avancèrent : l’un au nord, par l’Herzégovine ; deux au sud, par la vallée de Bielopavlitchi et celle de la Tsernitsa. L’expédition, tentée au mois de décembre, fut désastreuse pour les Turcs malgré quelques avantages partiels. Les troupes d’Omer-Pacha et d’Osman, pacha de Scutari, furent décimées par les maladies. Aux combats de Jabliak et de la Joupa, le prince Danilo se montra guerrier intrépide, lutteur acharné, capitaine habile. Secondé par son frère Mirko et par ses oncles George et Kerko, il poussait la guerre avec une décision remarquable. Le Monténégro commençait avec succès une lutte inégale, lorsqu’intervint la diplomatie de l’Autriche. Le cabinet de Vienne vit avec inquiétude une si grande agglomération de troupes sur ses frontières. Il envoya en mission extraordinaire à Constantinople le feld-maréchal comte de Linange. Grâce à la fermeté de cet habile diplomate, l’Autriche obtint le rappel immédiat des troupes d’Omer-Pacha. La paix fut faite à Podgoritza entre le Monténégro et la Turquie, en présence des commissaires de l’Autriche et de la Russie, et le statu quo ante bellum fut rétabli. Toutefois, par cette convention, le Monténégro acquit le territoire de la Joupa, en Herzégovine.

C’est un intérêt permanent de l’Autriche, on le sait, de préserver ses propres populations slaves du contre-coup des évènemens qui se passent au-delà de sa frontière, dans des pays appartenant à une même race et à un même état social. Il importait surtout à cet empire de prendre promptement les devans sur la Russie, de lui ôter l’honneur du succès des négociations en faveur du Monténégro, ou de prévenir une guerre imminente dans le cas où les énergiques représentations du cabinet de Pétersbourg n’auraient pas été écoutées.