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On pouvait penser que toutes les questions qui intéressaient directement ou indirectement l’empire ottoman seraient traitées dans les conférences de Paris. Au commencement de 1856, le prince Danilo s’adressa au ministre des affaires étrangères russe, le prince Gortchakof, pour introduire la question du Monténégro devant le congrès. On lui répondit de Saint-Pétersbourg que l’occasion n’était pas opportune, que l’importance des intérêts européens qui se trouvaient en jeu ferait négliger les questions secondaires, et que d’ailleurs les sympathies non dissimulées du Monténégro pour la Russie seraient pour lui une cause de défaveur auprès des puissances occidentales, qu’il serait donc plus avantageux de se tenir provisoirement à l’écart. La Russie profiterait d’une meilleure occasion pour soutenir plus efficacement les droits du Monténégro. Cependant il fut incidemment question de ce pays dans les conférences de Paris[1]. Le prince Danilo, en présence de la déclaration d’Ali-Pacha que la Porte n’abandonnait pas ses prétentions sur le Monténégro, crut devoir protester contre les paroles du représentant de la Porte et contre le silence des plénipotentiaires des autres puissances.

C’est ainsi que le prince entra lui-même dans la voie des négociations diplomatiques. À cet effet, il adressa, en date du 6 mai 1856, un mémoire aux divers cabinets pour exposer les droits du Monténégro et la situation que lui faisaient les attaques incessantes des Turcs. Il demandait pour le Monténégro la reconnaissance d’une indépendance si héroïquement conservée, la rentrée en possession de certains territoires pour lesquels lui et ses ancêtres avaient toujours combattu, une délimitation de frontières comme celle qui existait avec l’Autriche, enfin l’acquisition d’une étroite lisière maritime qui s’étend de la frontière autrichienne à Antivari, et la possession de cette place même. Il rappelait, au sujet de cette dernière prétention, comment le Monténégro avait été sacrifié en 1814, lorsqu’Alexandre avait exigé de lui l’abandon à l’Autriche des bouches de Cattaro.

M. Milorad Médakovitch fut envoyé auprès des cours du Nord pour soutenir ces demandes, et le colonel Voukovitch, aide-de-camp du prince, se rendit avec la même mission auprès de la cour de France. Les puissances du Nord, et spécialement la Russie, tout en protestant de leur bienveillance, semblaient hésiter à introduire dans la question d’Orient un nouvel élément de discussion. Le colonel Voukovitch trouva plus de sympathie auprès du cabinet des Tuileries,

  1. Sur une interpellation faite aux plénipotentiaires russes par le comte de Buol, ils répondirent que leur gouvernement n’entretenait avec le Monténégro d’autres rapports que ceux « qui naissent des sympathies des Monténégrins pour la Russie et des dispositions bienveillantes de la Russie pour le Monténégro. » (Protocoles n0 14 et 15.)