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contre des placemens mobiliers n’atteignent pas une valeur totale de 100 millions. Quant à la conversion des 500 millions de biens-fonds que possèdent les établissemens charitables en fonds publics, elle nous paraîtrait peu prudente, en admettant qu’elle fût possible. « Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier, » dit le proverbe populaire. Pourquoi ne ferait-on pas au patrimoine des pauvres l’application de cette sage maxime ? Pourquoi irait-on tarir, par cette interdiction de la propriété foncière aux hospices, une de leurs plus riches ressources, en décourageant les legs et les donations de biens-fonds qu’ils reçoivent de la charité privée ? Mais nous ne croyons pas à la conversion immédiate et totale des biens-fonds en rentes dont on a parlé, par la simple raison que les effets de cette double opération accomplie à la fois seraient contradictoires, et annuleraient le bénéfice qu’on s’en promet.

La presse autrichienne se montre en ce moment fort émue de la tournure qu’a prise l’affaire du Monténégro. Cette émotion est-elle partagée par le cabinet de Vienne ? Nous ne le croyons pas. Sans doute la question n’a pas suivi la marche qu’il désirait, et la réserve qu’il a observée à Constantinople pendant que les représentans de la France, de l’Angleterre et de la Russie agissaient avec tant d’insistance auprès de la Porte pour la détourner d’une entreprise inopportune, témoigne assez qu’il ne désapprouvait pas d’abord cette entreprise. Néanmoins il n’y a pas d’apparence qu’il garde rancune aux trois autres grandes puissances pour la fermeté qu’elles ont mise à réclamer la suspension d’hostilités qui ne s’annonçaient pas d’une manière favorable pour les Turcs. La France, l’Angleterre et la Russie ont rendu, dans cette conjoncture, un véritable service à la Turquie et à l’Autriche. L’expédition dirigée contre les districts contestés de la plaine qui avoisine le Monténégro pouvait avoir en effet ; des conséquences fâcheuses pour les deux empires limitrophes. Peut-être n’y avait-on pas assez réfléchi à Constantinople et à Vienne : la Tsernagore est peuplée de Slaves, et c’est l’un des points sur lesquels les populations slaves de l’Autriche et de la Turquie ont constamment les yeux ouverts. Il ne faut s’exagérer ni l’importance du Monténégro ni le degré de civilisation de ses habitans. C’est un petit peuple de deux cent mille âmes dont les lois et les usages ne sont rien moins que policés. Les rapports du commandant en chef des troupes monténégrines au prince Daniel sur les engagemens qui ont eu lieu autour de Grahovo prouvent, en même temps que la fougue de leur courage, toute la rudesse de leurs mœurs ; mais la position qu’ils ont su se faire en maintenant leur indépendance contre les tentatives répétées de la Turquie pour leur imposer son autorité, cette position,.illustrée par une résistance séculaire, attire sur eux l’attention de tous les Slaves. On peut encore se rappeler l’agitation que causa parmi eux, à la finale 1852, dans des circonstances analogues à celles dont nous ; venons d’être témoins, la campagne d’Omer-Pacha contre le Monténégro. L’Autriche en fut frappée alors ; elle sut à propos pourvoir au danger, et la mission du comte de Linange, mission véritablement bienfaisante, produisit la plus heureuse impression non-seulement sur les chrétiens de la Bosnie et de l’Herzégovine, mais sur tous les Slaves des provinces méridionales de la Hongrie. Elle sauva en même temps le gouvernement ottoman