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de terres vagues, ni stériles, sur lesquelles les gypsies puissent planter leurs tentes, le développement du système de clôtures, et surtout les rapports des roms et des juwas avec les gentils. On a remarqué par exemple que dans les districts où les gypsies sont le moins mal vus de la population des campagnes, ils ont généralement pris à un degré plus avancé la forme nationale du caractère anglais. L’ordre naturel des choses prépare donc les voies à une réforme pour laquelle l’esprit moderne des sociétés, surtout l’esprit tolérant de la loi anglaise, a fait plus déjà que les gibets et les tortures.

Vers 1832 se forma à Southampton une société pour améliorer la condition des Romany, ce peuple si longtemps négligé. L’âme de cette société était le révérend George Crabb, qui s’était surnommé lui-même l’avocat des gypsies. Il se proposait surtout de modifier les habitudes nomades de la race. « Quelques circonstances, disait-il, m’ont porté à croire que si l’on encourageait un peu cette réforme, les gypsies consentiraient à vivre dans les villes et les villages comme les autres hommes, et au bout d’une génération ou deux ils deviendraient un peuple civilisé. » Les faits sur lesquels George Crabb appuyait ses espérances sont de nature à montrer que, même dans l’état présent des choses et sans aucune intervention étrangère, les gypsies ne sont pas d’incorrigibles vagabonds. Un homme d’une trentaine d’années, chargé déjà d’une nombreuse famille, ayant reconnu que le système de clôtures faisait chaque jour des progrès dans le voisinage de Cambridge, et que les fermiers étaient de moins en moins disposés à le laisser camper sur leurs terres, loua vers 1810 une petite maison avec un jardin dans les faubourgs de la ville. Il y vivait pendant l’hiver et voyageait durant l’été. Une de ses occupations était de jouer du violon dans les fermes et chez les commerçans aux fêtes de Noël. Ce n’est point le seul exemple d’un gypsy qui ait renoncé, du moins en partie, à la vie du Juif errant. En Écosse, une famille affiliée à une bande d’étameurs avait une jolie résidence dans les faubourgs de la ville d’Ayr, et l’on montrait encore, il y a quelques années, dans le voisinage de Stevenston, près de Saltcoasts, les ruines de villages qui avaient été occupés dans le dernier siècle par des gypsies. J’ai vu moi-même à Wells, dans le comté de Norfolk, une gypsy de quinze à seize ans mariée à un chef de bande, et qui habitait durant la mauvaise saison, au bord de la mer, une petite maison dont elle payait exactement le loyer, 1 shilling par semaine. Son nom était Zizilla ; elle disait la bonne aventure et dansait dans les rues. Il est difficile de trouver un type plus parfait du caractère et de là beauté orientale des juwas. Ses gestes, l’expression exagérée de sa physionomie quand elle exprimait des sentimens de jalousie, de vengeance