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contrainte. Il était de notoriété publique que, si le prince de Cellamare n’avait pas fait valoir les droits de son maître lors de la mort de Louis XIV, c’est que cet agent judicieux avait reculé devant une impossibilité démontrée, et que l’on comptait trouver plus tard pour réclamer la royauté une force et des appuis qui avaient manqué pour réclamer la régence.

Pendant que le duc d’Orléans déjouait les intrigues des légitimés, fauteurs secrets de toutes les agitations dans les parlemens et dans la noblesse provinciale, il voyait donc se préparer une crise dynastique de nature à renverser par leur base les traités qui, après de si terribles perturbations, avaient rendu la paix à la France ; il se voyait lui-même dans l’alternative, ou de monter sur le premier trône du monde, ou d’être enterré vivant dans l’impuissance et dans la honte, s’il était supplanté par un monarque qui ne tenait plus à la France que par sa foi dans un titre considéré par lui comme imprescriptible. Le régent se trouva dès lors conduit à gouverner de manière à résoudre à son profit ce grand problème de l’avenir, si un funeste événement venait à le poser. Il chercha des alliances destinées à garantir son droit et à le fortifier contre l’Espagne ; menacé par ses ennemis d’une revendication qui ne blessait pas moins les droits de la nation que les siens, il dut s’efforcer d’élever ses ressources à la hauteur de ses périls. Dans cette pensée, il se lia étroitement avec l’Angleterre, où la maison de Hanovre rencontrait alors devant elle des difficultés de la nature de celles que redoutait la maison d’Orléans ; puis, complétant l’ensemble du système ébauché par le traité de 1717, il s’engagea bientôt par le traité de la quadruple alliance, conclu avec la Grande-Bretagne, la Hollande, et l’empire, dans une politique aussi nouvelle pour la France que l’était alors la situation du pays. Le régent parut prendre le contre-pied de la politique de Louis XIV, allant un moment jusqu’à relever les Pyrénées en faisant la guerre à l’Espagne avec le concours des forces britanniques.

L’association soudaine des intérêts de la France avec ceux de l’Angleterre et la solidarité établie entre deux maisons menacées par un prétendant, toute cette diplomatie de lord Stanhope et de l’abbé Dubois, machine de guerre montée contre les deux cours de Saint-Ildephonse et de Saint-Germain, était inspirée sans nul doute par l’intérêt direct et personnel du duc d’Orléans ; mais pour être personnelle, cette politique-là était-elle donc mauvaise ? La nation n’avait-elle pas un intérêt au moins égal à celui du régent à faire avorter, par un changement radical dans le système de ses alliances, des prétentions qui n’auraient laissé subsister de l’œuvre de Louis XIV que l’apparence, puisque la monarchie française eût été subordonnée