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le secours de l’étranger en se faisant fort de lui ouvrir les portes de la France. Toutefois ces tempêtes d’une petite cour venaient mourir au dehors dans le calme le plus désespérant. Ni les lourds écrits de l’abbé Brigault, ni les correspondances auxquelles sa maîtresse employait la main et parfois l’esprit de Mme Delaunay ne parvenaient à émouvoir le royaume, tout entier au bonheur de respirer après les longues guerres du dernier règne, et qui commençait à relever son agriculture, grâce à la suppression du dixième prononcée en 1717 et aux dégrèvemens successifs opérés par Law, devenu contrôleur-général en janvier 1720. Paris professait une indifférence plus générale encore pour les questions débattues, et tout entier à un bien-être qui dépassait toutes les espérances, il refusait de s’inquiéter des problèmes que pouvait ouvrir à chaque instant la mort toujours appréhendée du jeune roi. Le moyen d’intéresser à autre chose qu’à sa fortune une population qui avait les poches pleines d’actions, et où le plus mince bourgeois avait en se couchant la chance de se réveiller millionnaire !

Dans cet état de l’esprit public, le régent n’avait pas à s’inquiéter beaucoup pour le présent, et il était rassuré au moins sur la durée de son pouvoir temporaire. Si donc il versa des larmes amères à la lecture de la philippique où la calomnie le représentait préparant la mort de l’enfant dont il protégeait les jours avec une si affectueuse sollicitude, c’était toujours avec de fous rires qu’il accueillait les nouvelles de Sceaux et les mots des beaux-esprits auxquels il fournissait une si abondante moisson d’épigrammes. Aucun péril sérieux ne pouvait sortir pour lui ni des pamphlets rédigés par des écrivains faméliques, ni des mouvemens de quelques gentilshommes jetés par leur antipathie contre les ducs dans les filets de Mme du Maine, ni même de la très pauvre conspiration dans laquelle Alberoni engageait de force la prudence du prince de Cellamare, au grand désespoir de cet ambassadeur aussi honnête que timide. Rien de tout cela n’était à redouter tant que la Providence conserverait l’enfant royal sur lequel le régent avait reporté toute la tendresse qu’il refusait, selon les témoignages contemporains, au duc de Chartres, son propre fils. Un seul embarras grave existait alors pour la régence, c’était celui que créait l’état agité de la Bretagne.

De 1717 à 1720, l’administration royale fut comme suspendue dans cette grande province. Le vieux maréchal de Montesquiou avait ajouté aux difficultés inhérentes à la situation d’un gouverneur celles que ne manque jamais de susciter l’irritabilité du caractère unie à la grossièreté des formes. Une simple et fière noblesse s’était indignée contre des dédains qu’elle savait ne pas mériter, et qu’elle se croyait assez forte pour punir. En lutte ouverte avec le représentant