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de l’autorité royale, les états rappelèrent la cour à l’exécution des clauses solennellement attachées par la Bretagne en 1532 à son union avec la monarchie française, profitant habilement des embarras d’une minorité pour exposer et grouper des griefs fort antérieurs à la régence, mais dont l’énergie du gouvernement précédent avait interdit de réclamer le redressement. Un pacte secret avait uni dans la poursuite du même but un très grand nombre de gentilshommes ; des armes et des munitions étaient cachées dans les donjons et les caves des châteaux, pendant qu’une affiliation mystérieuse semblait pouvoir, au premier signal, faire sortir une armée des profondeurs de ces bois qu’aucune route carrossable ne traversait encore. Des émissaires partis pour Madrid avec les pleins pouvoirs des gentilshommes ligués y avaient été accueillis avec des transports d’espérance et de joie, et plusieurs frégates espagnoles se préparaient à jeter de l’argent et des armes sur le vaste littoral où les conjurés guettaient l’apparition des couleurs espagnoles comme le signal d’une insurrection générale.

Cette conspiration bretonne fut de tous points formidable : il n’en faudrait pour preuve que les curieux documens récemment publiés par l’écrivain qui vient de s’en constituer l’ingénieux et patriotique apologiste. Ce qu’il faut pleinement accorder à celui-ci, c’est que ces rudes inspirations, dans lesquelles venaient se confondre et : des griefs sérieux et de vains regrets pour l’indépendance perdue, étaient originairement étrangères aux tripotages de Sceaux, nonobstant les tentatives du comte de Laval pour unir les deux causes dans un effort commun. Ce qu’on peut concéder encore peut-être, malgré les relations étroites des confédérés bretons avec l’Espagne, c’est qu’ils ne connurent point cette triste conspiration de Cellamare que l’abbé Dubois allait bientôt faire dénouer par la main d’une fille publique. « Entre les troubles de Bretagne et la conspiration de Cellamare, je ne vois, dit M. de La Borderie[1], d’autre rapport qu’une coïncidence fortuite et un ennemi commun ; mais d’ailleurs cause, but, moyens, tout diffère, surtout l’issue. Les chefs mêmes de la conspiration de Cellamare n’obtinrent du régent qu’une dédaigneuse indulgence. Pour châtier la résistance des Bretons, il crut nécessaire de couper quatre têtes, et ces têtes tombèrent noblement. » Ceci est strictement vrai ; mais toutes différentes que fussent les causes, elles créaient par leur coïncidence même un grand péril pour le régent, et l’imminence d’une révolte dans une province populeuse et énergique explique une sévérité que ce prince ne déploya

  1. Conspiration de Pontcallec, dans la Revue de Bretagne et de Vendée, livraisons de janvier 1857, février et avril 1858.