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de la géographie politique de la Gaule antéromaine, trouve-t-on de bons argumens à l’appui de l’une ou de l’autre opinion ? Existe-t-il sur les lieux des traces de travaux, des débris quelconques qui puissent servir de guide à un juge consciencieux ?

Nous essaierons d’envisager successivement la question sous ces deux premiers aspects, stratégiquement et topographiquement ; nous le ferons dans la limite restreinte de nos lumières et sans avoir la prétention de faire autorité. Quant à la discussion archéologique, nous ne nous reconnaissons aucun droit d’y prendre part, et nous nous en abstiendrons le plus possible. Cependant nous serons obligé, et même dès le début, d’effleurer la partie littéraire et grammaticale du différend.

VII.

Le rudiment à la main, j’aborde résolument la phrase cùm Cæsar in Sequanos per extremos fines Lingonum iter faceret,… circiter millia passuum X ab Romanis trinis castris Vercingetorix consedit. Je laisse pour un moment de côté les mots per extremos fines, et je m’attache à ceux-ci : in Sequanos. Après avoir relu dans Lhomond la question quò et la règle eo Lugduum, je conclus de mon examen qu’au moment où les Gaulois campèrent à dix milles de César, celui-ci n’était pas encore en pleine Séquanie, puisqu’il se dirigeait vers ce territoire. Or la Séquanie ne s’étendait pas au-delà de la Saône. L’armée consulaire était donc encore en ce moment sur la rive droite de la Saône.

Quant aux mots per extremos fines Lingonum, chacun les interprète à sa guise : les uns y trouvent l’indication d’un mouvement latéral à la frontière méridionale des Lingons, qui les séparait des Éduens ; selon les autres, l’historien a voulu expliquer qu’il traversait la frontière orientale et pénétrait en Séquanie. « C’est, ajoute M. Quicherat, absolument la même chose que si quelqu’un disait : Comme je me rendais en Espagne par la frontière de France. » J’avoue que, si je rencontrais cette phrase dans un livre, j’en conclurais que ce quelqu’un se dirigeait vers la Bidassoa, et nullement qu’il eût franchi cette rivière. Je tiens donc bon pour la rive droite de la Saône. Mais entre l’est et le midi, entre « le long de » ou « au travers de », je reconnais que le texte des Commentaires laisse toute liberté de choisir. M. Quicherat, pour amener les Romains sur son terrain, c’est-à-dire à l’est, commence par établir, judicieusement selon moi, que, réuni à Labiénus, César avait dû camper sur le territoire des tribus qui lui étaient restées soumises. Or ces tribus étaient deux, les Rémois et les Lingons, et la déci-