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sion de M. Quicherat nous semble un peu arbitraire lorsque, sans autre discussion, il assigne les environs de Langres pour cantonnement à l’armée consulaire. Nous avons déjà donné les raisons qui nous la feraient plutôt placer sur les rives de l’Aube ou de la Marne ; nous n’y reviendrons pas, et même nous admettrons un moment que César, marchant au secours de la Province, venait de quitter Langres, et qu’il était arrivé à l’extrémité sud-est du pays des Lingons, à peu près en face du confluent de la Saône et de l’Ognon, lorsque l’armée gauloise vint se poster à environ trois lieues et demie de lui.

Ces prémisses accordées, il faut, pour aller chercher Alesia sur l’emplacement d’Alaise, admettre comme prouvées les données suivantes :

1° Vercingétorix connaissait le plan et avait pénétré les intentions de César ; il savait par quelle route l’armée romaine devait se retirer vers la Province. Décidé à s’opposer à cette marche, il était venu d’avance s’établir en Séquanie, avait reconnu la position où s’élève aujourd’hui le hameau d’Alaise, l’avait choisie et fortifiée pour en faire sa place d’armes. Ayant appris que César s’était mis en mouvement, il s’était porté au-devant de lui.

2° César, marchant le long de la frontière des Lingons, ou s’apprêtant à la franchir, par conséquent étant encore sur la rive droite de la Saône, se trouve un soir à dix milles du camp ou plutôt des camps de Vercingétorix. Dans les deux journées suivantes, il passe trois rivières profondes, la Saône, le Doubs et la Loue, et peut-être quatre, si on y ajoute l’Ognon, franchit un espace d’au moins quinze lieues dans un pays accidenté, encore très boisé aujourd’hui, et qui sans doute n’était pas dégarni de forêts alors, manœuvre devant l’ennemi, lui livre un long combat, le poursuit, prend position devant Alesia, reconnaît cette place et se décide à l’investir.

Examinons jusqu’à quel point ces données sont admissibles.

Vercingétorix peut à bon droit passer pour un homme doué de hautes facultés. Il est donc à la rigueur permis de le supposer assez clairvoyant pour deviner le plan de César avant que celui-ci ne l’eût trahi par aucun mouvement, pour juger que l’ennemi voulait gagner la Province, et que sa meilleure ligne de retraite était par la rive gauche de la Saône ; mais si l’on fait une aussi belle part à l’intelligence du chef gaulois, il ne faut pas lui imputer une présomption qui s’accorderait mal avec le bon sens d’un véritable homme de guerre. Vercingétorix savait à quel capitaine il avait affaire ; il avait appris par sa propre expérience que son adversaire était l’homme aux résolutions promptes et inattendues ; il ne voulait rien donner au hasard. En allant se poster prématurément au fond de la Séqua-