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de la notion de Dieu interprété comme individualité suprême, c’est-à-dire de la Providence, de la révélation, des miracles, etc. En se tenant sans cesse sur un terrain sérieux, il a donné à ses argumens une force qui ne permet plus d’en nier la vérité. Cette manière équitable de procéder est un progrès de la critique moderne sur celle du XVIIIe siècle. Une chose qui irrite notre bon sens ne doit pas seulement provoquer de notre part comme moyen d’opposition une moquerie d’un goût quelquefois contestable. Quelque répugnance que notre esprit éprouve à discuter, le raisonnement ne perd jamais ses droits, et il ne faut pas que, par une puérile négligence de la discussion, on puisse accuser désormais le libre examen de mauvaise foi ou d’impuissance. En abordant, comme il vient de le faire, avec dignité et rigueur ces questions ingrates, M. Franchi a bien mérité de la philosophie.

Je terminerai néanmoins par une observation que je crois nécessaire. Je ne trouve pas que l’ouvrage de M. Franchi conclue suffisamment dans le sens de l’affirmation. L’auteur avait du reste prévu cette objection, et il a soin de dire que démontrer par une critique rigoureuse l’impossibilité de résoudre certains problèmes, ce n’est pas douter, c’est se reposer au contraire sur une grande certitude. Cela ne me suffit pas, je l’avoue, dans certaines questions. Je ne demande pas qu’on réédifie l’édifice que l’on vient de détruire, mais j’attends après toute négation l’affirmation corrélative qui lui est opposée. Or, si, abandonnant les questions religieuses, nous abordons les questions purement rationnelles, je ne me rends pas compte de ce que pense M. Franchi sur certains points fondamentaux. Vous admettez la spiritualité de l’âme, et vous prouvez en même temps la pauvreté des argumens spiritualistes : où est la démonstration qui vous est particulière ? L’idée de la création est absurde, dites-vous, et, selon vous, l’éternité de la matière ne résiste pas à la critique : comment vous tirez-vous de ce défilé ? Il y a là tout un système de contradictions philosophiques dont M. Franchi nous donnera, je l’espère, une satisfaisante antinomie. Après le Rationalisme, on est en droit de la lui demander, tout en reconnaissant que de tels travaux, même incomplets, sont le meilleur moyen d’établir les droits et de maintenir la vitalité de la discussion philosophique.


EUGENE LATAYE.


- Dans l'Etude sur Gustave Planche, publiée dans notre dernier n°, il nous est échappé, page 669, lignes 24 et 25, une inexactitude involontaire que nous nous empressons de rectifier. L'auteur de cette étude a été trompé par les initiales L. V., qui désignaient dans la pensée de Gustave Planche, non pas M. Ludovic Vitet, mais un homme aussi d'un rare et brillant esprit, mort prématurément et trop vite oublié, M. Loève-Veimars, un des collaborateurs les plus actifs de la Revue dans les premières années de son existence, et sur lequel nous nous proposons de revenir un jour.


V. DE MARS.