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Au milieu de ces émotions, les études de l’enfant avaient été assez irrégulières. (Commencées, d’abord à Bourg, poursuivies à Charolles, elles furent interrompues maintes fois par les événemens. Ce fut seulement après 1815 qu’il put se mettre sérieusement à l’œuvre. Ses parens venaient de l’envoyer au collège de Lyon. Les impressions militaires de son enfance, un vague souvenir de la république et de l’empire, le poussèrent vers l’école polytechnique. Il s’y prépara avec ardeur, puis, ses examens passés, comprenant que la vie de la France n’était plus désormais dans les camps, attiré par la philosophie et les lettres, il changea de plan et vint faire son droit à Paris. C’était en 1818. Il resta cinq années plongé dans ces graves études demandant surtout à la science le génie des nations et des siècles, interrogeant les lois, non en elles-mêmes, mais dans leurs rapports avec le mouvement continu de l’humanité. Ces études, que M. Quinet n’a pas jugées dignes de voir le jour, montreraient bien, si elles étaient publiées, quelle préparation laborieuse a précédé chez lui les plus mystiques ivresses de l’imagination. La philosophie l’attirait de plus en plus. C’était le moment où M. Cousin passionnait la jeunesse pour le spiritualisme, et entr’ouvrait à l’esprit de la France les horizons de l’Allemagne. Un jour, en 1828, dans une de ces leçons où il tenait un auditoire immense suspendu à ses lèvres, à propos des Idées sur la Philosophie de l’Histoire de Herder et de la Science nouvelle de Vico, il s’écriait : « Voilà de ces ouvrages que je recommande à mes jeunes auditeurs ; ils ne les étudieront pas sans y contracter un amour plus éclairé de l’humanité et de la civilisation, de tout ce qui est beau et de tout ce qui est honnête, et je me félicite moi-même d’avoir ; encouragé mes deux jeunes amis MM. Michelet et Quinet à donner à la France Vico et Herder. » C’était là en effet le premier fruit de cette juvénile ardeur qui poussait M. Edgar Quinet vers les travaux philosophiques. Si on parlait beaucoup de l’Allemagne, on en parlait un peu sur ouï-dire. M. Quinet alla droit au centre de ces mystérieux domaines. Au milieu de tous ces philosophes occupés de leurs systèmes et enfermés dans leurs formules comme dans une forteresse, il alla droit à celui qui avait été avec Lessing le grand promoteur de la culture germanique ! Si Lessing contient en germe toute la poésie des maîtres auxquels il a donné le signal, Herder est le précurseur de tous les critiques, de tous les historiens philosophes qui ont porté si haut la gloire scientifique de l’Allemagne. Que d’idées neuves dans ses écrits ! quels sillons de lumière ! Comme il a tout renouvelé, tout fécondé sur ses pas, la critique littéraire et la philologie, la théologie et l’histoire, l’antiquité hellénique et l’étude de l’Orient ! Parmi tant de travaux, M. Quinet choisit celui qui offrait le plus de