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et pittoresques, l’auteur décrit les principaux traits de la grande famille à laquelle il appartient. « Tous les jeunes gentlemen actuellement inscrits sur les registres des universités connaissent les Browns, qui sont devenus récemment célèbres, grâce à la plume de Thackeray et au crayon de Doyle. Malgré la renommée très méritée, mais tardive, que cette famille a enfin conquise, tous ceux qui la connaissent familièrement sentiront qu’il y a encore beaucoup à dire et à écrire avant que la nation anglaise sache de quelle part de sa grandeur elle est redevable aux Browns. Pendant des siècles, ils ont été occupés, avec leur humeur silencieuse, opiniâtre, familière, à subjuguer la terre dans les comtés anglais et à laisser leur marque dans les forêts américaines et sur les plateaux de l’Australie. Partout où les flottes et les armées de l’Angleterre ont gagné leur renom, on a pu constater la présence de membres vaillans de la famille des Browns. Partout ils ont fait œuvre de robustes yeomen, avec l’arc en bois d’if à Crécy et à Azincourt, avec la hache et la pique sous le brave lord Willoughby, avec la coulevrine et la demi-coulevrine contre les Espagnols et les Hollandais, avec la grenade et le sabre, le mousquet et la baïonnette, sous Rodney et Saint-Vincent, Moore, Nelson et Wellington. Partout ils ont reçu de rudes coups et ont été chargés d’une rude besogne (ce qu’ils cherchaient après tout) ; ils ont gagné en revanche peu de récompenses et de renommée (ce dont peuvent se passer parfaitement la plupart d’entre nous). Les Talbot, les Saint-Maur, les Stanley et leurs pareils ont commandé des armées et fait des lois, il y a des siècles ; mais ces nobles familles seraient fort étonnées, si la balance des comptes était faite exactement, de voir combien les services qu’elles ont rendus à l’Angleterre sont peu de chose à côté des services rendus par les Browns. »

Le squire Brown, père de notre futur écolier, était le seigneur et roi d’un petit village situé dans le Berkshire, près de la vallée du Cheval-Blanc, où jadis se livra une grande bataille entre le roi Alfred et les envahisseurs danois, où l’on voit encore des restes de murailles romaines, une pierre trouée et sonore qui servit sans doute de porte-voix aux vieux habitans de la vallée pour avertir du danger qui les menaçait, et autres merveilles et débris du passé. Le squire Brown était aussi un débris d’un passé plus récent. Il était tory jusqu’à la moelle des os, croyait au droit divin des pouvoirs politiques et à l’obéissance passive comme un cavalier de la restauration ; mais ces préjugés politiques étaient inoffensifs, comme le sont tous les préjugés lorsqu’ils partent d’une conscience sincère et d’une âme droite, car, pour le dire en passant, il n’y a de malfaisans que les préjugés qui naissent d’une corruption de l’esprit et