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fréquemment afin de conserver les chances égales des deux côtés, et d’empêcher qu’un des combattans ne profite déloyalement de quelque circonstance désavantageuse à son adversaire. Un élève est choisi pour remplir le rôle de timekeeper, c’est-à-dire pour marquer le moment où le combat doit être interrompu et celui où il doit être repris. Dans les intervalles, les témoins préparent le guerrier pour la reprise du combat, roulent ses manches, serrent ses boucles, essuient avec une éponge imbibée d’eau froide la sueur qui coule de son visage et l’écume sanguinolente qui sort de sa bouche. Pendant ce temps-là, des paris s’engagent entre les élèves comme dans les combats de boxe ou les courses de chevaux. « Deux demi-couronnes contre une pour le grand. — Tenu. — Quatre demi-couronnes contre une pour le petit. » Enfin le combat est terminé. Les parieurs relèvent leurs gains et leurs pertes, et les adversaires vont faire panser leurs mâchoires démontées et leurs coudes luxés. L’auteur clôt la description de ce combat par cette morale très anglaise qui nous dispensera de donner une opinion : « Les enfans se querelleront, et s’ils se querellent, ils se battront quelquefois. Le combat à coups de poing est pour les enfans anglais la méthode naturelle et nationale de régler leurs querelles. Que pourrait-on y substituer, et qu’a-t-on jamais trouvé à y substituer ? Si vous blâmez la coutume du combat, dites-moi, je vous prie, ce que vous voudriez mettre à la place ? Apprenez donc à boxer, jeunes gens, comme vous apprenez à jouer au ballon. Vous n’en serez pas plus mauvais pour cela, et dussiez-vous ne jamais vous servir de votre science, sachez qu’il n’est pas de meilleur exercice pour donner du sang-froid et pour affermir les muscles du dos et des jambes. »

Le succès rend l’homme vain et audacieux Tom avait triomphé presque à lui seul de la tyrannie de la cinquième division, il était salué de tous comme un héros. Dans sa petite sphère, il avait accompli une grande chose, tous les yeux suivaient ses moindres mouvemens, et les autres élèves avaient pour lui le respect sympathique que le peuple a toujours pour les triomphateurs et les capitaines heureux. Dans ces situations, la tête tourne facilement, et on croit sans peine qu’on s’est élevé au-dessus de la loi. Aussi Tom, à partir de ce moment, se rendit-il coupable de nombreuses infractions à la discipline, cependant si large, de l’école. Il était défendu par » exemple de rentrer à l’école après que les portes étaient fermées ; un jour néanmoins Tom et ses camarades se laissèrent entraîner par leur ardeur au jeu de hare and hounds (le lièvre et les chiens), — un jeu qui laisse bien loin derrière lui la timide partie de barres, et qui consiste à se poursuivre dans la campagne pendant deux ou trois milles. — Ils rentrèrent fort avant dans la soirée,