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tragédie sanglante. C’est là qu’Antonio Perez fit tuer Escovedo, qui avait découvert le secret de sa liaison avec la princesse d’Eboli, la maîtresse de Philippe II. Le palais de la princesse, sur la place qui est au bout de la ruelle, est aujourd’hui occupé par don Daniel Weisweiller, et est devenu une des maisons les plus hospitalières et les plus aimables de Madrid.

C’est de ce côté de la ville qu’est le palais, édifice du XVIIIe siècle, qui a une assez grande apparence, et d’où l’on découvre une très belle vue de la vallée du Manzanarès et de la chaîne neigeuse du Guadarrama. Dans la vallée, on aperçoit plusieurs ponts jetés sur un chemin creux où il vient quelquefois de l’eau, dit-on, quand il a plu. On arrive à la plaine par plusieurs étages de terrasses dont la pente est très rapide, ce qui n’empêche pas les voitures attelées de huit ou dix mules de la descendre au galop, comme je le voyais à la fête de saint Isidore. Ce patron de Madrid était un simple laboureur qui fit beaucoup de miracles, et tous les ans, le 15 mai, la population va visiter le lieu où fut son ermitage. Comme pour le Longchamps du bois de Boulogne, le pèlerinage s’est transformé en festival, et si l’on veut voir une fête populaire d’Espagne, il faut aller à la foire de San-Isidro, qui dure non-seulement toute la journée, mais toute la nuit. C’est un mouvement, une mêlée, un bruit, une poussière inimaginables, quelque chose qui rappelle à la fois la fête de la Madonna del Arco à Naples et la foire de Saint-Cloud.

Une fête qui ne m’a point paru répondre à ce qu’on devait attendre d’un pays catholique et méridional, c’est celle du Corpus, ou la Fête-Dieu. Sur le parcours de la procession, c’est-à-dire sur la calle Mayor, la plaza May or, la Puerta del Sol et la rue des Carretas, il règne une tente de toile qui couvre le milieu de la voie, et sous laquelle le cortège marche à l’ombre, mais la procession elle-même est fort ordinaire. Ce jour-là, la reine la suivait à Valence, et il n’y avait à Madrid que sa chaise dorée qui marchait à la suite du saint-sacrement ; Le trait le plus curieux de la fête, c’est une procession d’un genre tout différent, qui suit immédiatement la première, et qui forme avec elle un contraste peu religieux. À Paris, c’est la semaine sainte qu’on choisit pour faire Longchamps ; à Madrid, c’est la Fête-Dieu. Il est d’usage que ce jour-là les femmes se promènent avec leurs plus fraîches toilettes. C’est dans l’après-midi et dans la rue des Carretas que se fait cette exhibition, et la tenture de toile, qui tout à l’heure avait une autre destination, sert à protéger contre le soleil les robes éclatantes des Madrilègnes.

Il y a, comme on sait, beaucoup de jours de fête en Espagne ; je ne sais pas si on a découvert quelque part la semaine des quatre jeudis, mais les Espagnols ont trouvé celle des quatre dimanches. La diminution du nombre des fêtes est l’objet d’un des articles du